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Le nouveau Premier Ministre, lors de son discours de politique générale[1], s’est montré offensif en réaffirmant l’autorité républicaine.

Durant l’été, l’actualité s’est faite l’écho de plusieurs faits graves (Saint-Ouen, Saint Denis, Nice et Grenoble) sur fond d’occupation de l’espace par des bandes rivales notamment liées au contrôle du trafic de drogue.

C’est à Nice, précisément, que le 25 juillet dernier, le Premier Ministre a fait l’annonce de la mise en place d’une amende forfaitaire délictuelle (AFD) de 200 euros.

Avant tout, reconnaissons que cette AFD — si elle est suivie et généralisée par le Parquet — permettra aux policiers d’éviter des procédures fastidieuses, aux effets limités qui les mobilisent au détriment de l’efficacité de l’action. Les principaux syndicats de police lui ont réservé un accueil assez bienveillant, reconnaissant que cette mesure constitue un gain de temps, leur permettant d’être plus efficace sur le terrain.

Mais l’est-elle pour l’autorité de l’État ? Sans doute trop tôt pour le dire : une évaluation devra être faite à courte, moyenne et plus longue échéance.

Tant que nous continuerons à minorer les incidences sur la santé publique de la consommation de stupéfiants y compris ceux qualifiés par démagogie de « drogues douces » voire d’acte récréatif, nous ne lutterons pas efficacement contre les trafics.

Pendant le confinement, le non-respect de cette disposition permettait aux forces de l’ordre d’intervenir et de sanctionner l’occupation abusive de l’espace public.[2] Nous pensons que pour être efficace, l’AFD de 200 euros pour consommation de stupéfiants doit se doubler d’une AFD pour occupation illégale de l’espace public, ainsi les forces de l’ordre tiendraient les deux bouts de la chaine répressive.

Nous pensons par ailleurs que si l’objectif est de frapper le consommateur au portefeuille, une amende forfaire délictuelle de 200 euros n’est pas significative, il faudrait doubler l’amende.

Nous pensons également qu’il faut que la manne financière provenant de l’AFD ne soit pas noyée dans le budget général de l’État mais fléchée et répartie comme suit :

– pour moitié (50%) dans des campagnes nationales de sensibilisation aux risques liés à la consommation régulière de stupéfiants.

– la seconde moitié restante doit venir sous la forme d’une dotation d’équipement pour les forces de sécurité.

Enfin, l’État — qui veut faire de la lutte contre « l’ensauvagement de la société » sa priorité — ne doit pas tomber dans le piège de la dépénalisation, d’autant moins s’il veut reconquérir les fameux territoires perdus de la République[3]. Pour se faire et selon une approche subsidiariste, l’opinion publique doit elle-même s’emparer de cette volonté et les représentants de l’État l’incarner au travers de deux vertus : la force et la tempérance pour un retour de la confiance.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          Cédric GRUNENWALD[4]

[1] Ramenée à 150 euros si elle est acquittée dans les 15 jours ou majorée à 450 euros en cas de retard de paiement
[2] Contravention de 135 euros. Art L3136-1 du code de santé publique
[3] L’exemple de Saint Ouen en Seine Saint Denis où des habitants ont passé un accord avec des dealers pour qu’ils assurent la tranquillité publique montre la faillite de notre système républicain.
[4] Associé gérant du programme ForTemps, cabinet qui développe ses activités autour de l’équation Sécurité = Force & Tempérance.


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Introduite en mai 2016 par Vincent You, directeur de l’hôpital de Confolens (Charente) pour la rénovation de l’EHPAD qui y est attaché, la clause Molière s’est depuis installée dans le débat public. Pensée comme une mesure destinée à limiter le recours aux travailleurs détachés sur les chantiers publics, elle se concrétise par une clause ajoutée aux appels d’offres obligeant les travailleurs détachés non-francophones à être accompagnés d’un traducteur. Depuis la polémique grandit, ses détracteurs voyant en elle une mesure discriminatoire envers les étrangers, alors que ses soutiens y voient, eux, une normale mesure de préférence nationale visant à favoriser nos économies.

Dans les faits, c’est la plupart du temps par l’angle de la sécurité qu’est mise en place cette nouvelle mesure. Si cette clause est introduite sur les chantiers dont une collectivité est le maître d’œuvre, les travailleurs présents doivent, s’ils ne sont pas francophones, être accompagnés d’un traducteur agréé auprès des tribunaux[1]. La raison arguée est la bonne compréhension des consignes de sécurité sur les chantiers, même si selon Xavier Bertrand, Président du Conseil régional des Hauts-de-France, la mesure est « peut-être un peu tirée par les cheveux »[2].

Au-delà de la dimension politique de cette clause, se pose, devant son introduction et son application, certains obstacles de type juridiques et budgétaires.

Le risque de discrimination par les collectivités territoriales

Le premier obstacle qui se dresse sur son application est celui de la légalité. En effet, certains recours pourraient être lancés contre des collectivités l’utilisant, comme cela a déjà pu se produire dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, par la demande du Préfet de région au Conseil régional. En outre, Michel Delpuech, alors Préfet de Paris et d’Ile-de-France, avait par exemple mis en garde Valérie Pécresse, Présidente de la région Ile-de-France quant à l’utilisation de telles mesures. Ce dernier prévient : « Si le Conseil régional méconnaissait ces dispositions et ces principes [de non discrimination dans les commandes publiques], je constaterais une illégalité manifeste qui me conduirait à mettre en oeuvre les voies de droit appropriées »[3]. Pour le Préfet, cette clause contrevient aux principes constitutionnels d’accès à la commande publique. Si la Région viole la loi comme il le pense, elle s’expose à un déféré préfectoral et il sera de la responsabilité du juge administratif de statuer sur la légalité de telles mesures.

Pour Vincent You, néanmoins, le risque de contentieux reste limité dans la mesure où la clause ne concerne que l’application et non l’attribution des marchés publics, une manière détournée de réaliser l’objectif de sélection des entreprises mais qui, selon certains juristes, pourrait s’avérer « payante » en cas de jugement[4].

 

La clause Molière : un enjeu aussi financier pour les collectivités

Le second obstacle réside dans le fait qu’une telle mesure demande aux collectivités concernées de vérifier que les personnels présents sur ses chantiers soient bien francophones et dans le cas où la réponse serait négative, qu’un traducteur soit présent dans les conditions prévues dans le contrat. La clause Molière pourrait donc se révéler avoir un coût important. Laurent Wauquiez, Président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a par exemple choisi d’affecter cinq inspecteurs à plein temps sur cette mission de contrôle[5].

Reste maintenant à déterminer l’impact que peut avoir cette mesure sur les chantiers eux-mêmes. Si, a priori, la langue d’usage n’a pas grand rapport avec les compétences des ouvriers du bâtiment, la main d’œuvre francophone et qualifiée ne se trouve pas toujours en nombre[6]. La clause Molière pourrait donc avoir un effet néfaste sur le bon déroulement des chantiers dans la mesure où ces derniers pourraient manquer de personnels compétents, et ce au-delà de toute considération financière.

Avec un fort potentiel dissuasif pour les entreprises, la clause Molière risque de continuer pendant quelques mois à faire débat. Michel Sapin, Ministre de l’Economie et des Finances a saisi ses services pour déterminer la légalité de cette dernière, et, pour l’heure, aucun juge administratif ne s’est prononcé[7]. Toutefois, comme l’affirme Fabien Renou, rédacteur en chef du Journal Le Moniteur, il y a fort à parier qu’ « à la première censure, le dispositif tombera dans les oubliettes »[8]. L’avenir de la clause reste donc incertain, particulièrement à l’heure de la création du Code de la commande publique qui se voudrait simplificateur[9].

Alan Volant

Etudiant en gouvernance des territoires à l’Université Paris-Saclay

alan.volant@gouvernancepublique.fr

[1]http://www.caissedesdepotsdesterritoires.fr/cs/ContentServer?pagename=Territoires/LOCActu/ArticleActualite&cid=1250271907762

[2]Ibid.

[3] http://www.lalibre.be/dernieres-depeches/afp/clause-moliere-le-prefet-d-idf-exhorte-pecresse-a-eviter-tout-risque-d-illegalite-manifeste-58d018b4cd705cd98e0fd760

[4] « Commande publique : clause Molière versus #TeamJuncker » La Semaine Juridique Edition Administrations et Collectivités n°29-33

[5] http://www.liberation.fr/futurs/2017/03/25/y-voir-plus-clair-dans-la-clause-moliere_1558102

[6] Ibid.

[7] http://www.lefigaro.fr/langue-francaise/actu-des-mots/2017/03/11/37002-20170311ARTFIG00092-bercy-saisi-pour-la-clause-moliere-imposant-le-francais-sur-les-chantiers.php

[8] http://www.lemoniteur.fr/articles/tartuffe-et-harpagon-34330668

[9] https://www.economie.gouv.fr/entreprises/marche-public-reforme


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Le récent record atteint par la crypto-monnaie « Bitcoin » a mis en avant la technologie qui l’abrite : la blockchain (ou chaîne de blocs). Un univers technique, particulièrement complexe, et conséquemment assez obscur. Au delà de la technicité de mise en œuvre des blockchains, c’est davantage au sens et aux objectifs qu’elle propose qu’il convient de s’intéresser.

Pour qui n’est encore ni utilisateur des usages des crypto-monnaies, ni adepte convaincu de la blockchain, le succès grandissant de ces deux termes mérite d’emblée une clarification. La crypto-monnaie, comme son nom l’indique, est « une monnaie électronique circulant sur un réseau informatique dit peer-to-peer ou pair à pair (ou décentralisée) pour valider les transactions et émettre la monnaie elle-même »[1]. Sur un autre plan, la blockchain, bien qu’elle ne réponde pas à une définition identifiée, est « une technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle »[2]. Plus simplement, il faut comprendre que le premier est un outil de paiement par monnaie virtuelle à laquelle est affectée une valeur de change, alors que le second est un protocole informatique permettant de valider les transactions de ladite monnaie virtuelle. Ainsi, la crypto-monnaie n’existe pas sans la blockchain alors que l’inverse n’est pas nécessairement vrai.

En effet, l’utilisation de la technologie blockchain se diversifie et s’extrait de plus en plus du seul champ de la finance pour intégrer des activités telles que l’agriculture, le droit, et même l’enseignement.

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Blockchain : une culture numérique de la décentralisation

Les définitions précitées font ressortir deux champs sémantiques qui ont inspiré la rédaction du présent billet : « un réseau informatique décentralisé » et « sans organe central de contrôle ».

Voilà plus de 30 ans, depuis les lois de 1982, que le terme de décentralisation ne trouvait pas une application différente de celle définissant le modèle d’organisation territoriale de la République. Or, de la même manière que l’organisation administrative d’un territoire répond à une certaine architecture, celle des réseaux numériques tend à se repenser.

Mais qu’est-ce que la décentralisation dans le cadre de la blockchain ? En informatique, un système de fichiers décentralisés (ou en réseau) est un système qui permet le partage de fichiers à plusieurs personnes au travers du réseau informatique[3].

Pas très clair ? C’est normal, et c’est la raison pour laquelle les spécialistes préfèrent l’image du « grand livre ouvert sur la place publique » dans leurs explications. Ainsi la blockchain serait comme un grand livre ouvert sur une place publique sur lequel chacun vient inscrire publiquement une action (i-e : une transaction, un contrat, etc…). De fait, sans l’accord de la majorité, personne ne peut y rectifier une page déjà écrite. Mais qui détiendrait cette majorité ? C’est ici qu’intervient le sens de l’architecture décentralisée puisque chaque action est rendue pratiquement (car aujourd’hui aucun cas n’a été recensé) infalsifiable par son fonctionnement décentralisé. Avec un système centralisé, les actions sont enregistrées dans un livre détenu par un tiers (ex : google, les banques, etc…) sur lequel repose la confiance des utilisateurs. Or à travers le système décentralisé, le livre est détenu par l’ensemble des utilisateurs, ce qui permet de se passer du tiers chargé habituellement de la validation et de l’historique des transactions.

Tout est donc question de confiance !

Le modèle décentralisé du protocole blockchain repose donc sur l’absence d’un élément central comme élément régulateur. Cette conception offre ainsi à une communauté de membres d’une blockchain la possibilité de s’affranchir d’une autorité centrale pour certifier l’exactitude d’une action.

Par transposition, la blockchain (à son apogée) rendrait envisageable de construire une confiance autrement qu’à partir des lois ou de la force d’un Etat central ou encore d’une collectivité. La particularité de cette technologie est en effet de sortir des schémas verticaux pour une totale horizontalité. Il ne s’agit pas là de remettre en question la fonction politique dans la gouvernance d’un territoire, mais au contraire de s’interroger sur la façon dont la sphère publique pourrait s’imprégner d’une telle technologie dans la rénovation de ses relations et ses services avec les administrés.

 

Blockchain et pouvoirs publics

Cette technologie en est encore à ses balbutiements mais cela n’empêche pas certains acteurs économiques à s’y intéresser de près. Il s’agit notamment de ces fameux « tiers de confiance » tels les banques ou encore certains professionnels du droit. Or, dans bien des cas, les acteurs publics agissent aussi comme tiers et pourraient, selon les évolutions prises par cette technologie, être contraints de s’y adapter.

Malgré les défis restant à relever pour le déploiement simplifié et universel d’une telle technologie, la sphère publique perçoit les évolutions prévisibles et, les expérimente déjà.

A titre d’exemples :

  • En France

Le 29 mars 2016, Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, a annoncé, à l’occasion des Assises du financement participatif, une adaptation de la réglementation financière afin de permettre l’expérimentation de blockchains dédiées au marché des bons de caisse.

Au cours de cette conférence, Emmanuel Macron a par ailleurs annoncé la création d’une nouvelle catégorie de bons de caisse adapté au financement participatif : les minibons. Ceux-ci ont la particularité suivante[4]: « Sans préjudice des dispositions de l’article L. 223-4 du Code monétaire et financier, l’émission et la cession de minibons peuvent également être inscrites dans un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant l’authentification de ces opérations, dans des conditions, notamment de sécurité, définies par décret en Conseil d’Etat. »

La porte à l’utilisation de la blockchain est entre-ouverte.

  • Royaume-Uni : Le gouvernement et sa division des Services Gouvernementaux Numériques, GDS (Government Digital Services), ont exploré la façon d’utiliser la technologie de la blockchain en tant que registre numérique. Les registres gouvernementaux traitent des données telles que des renseignements sur le cadastre, des données d’entreprise et des informations d’immatriculation de véhicules. Les données contenues dans ces registres peuvent être sensibles, et ont besoin d’avoir des niveaux élevés d’intégrité, car beaucoup concernent des entités juridiques. Afin de maintenir cette intégrité, les GDS envisagent d’utiliser la blockchain comme possible protocole pour ces registres. Le Bureau du Gouvernement pour la Science britannique a publié un rapport détaillé intitulé « La technologie des registres distribués : au-delà de la chaîne de blocs » (“Distributed Ledger Technology: beyond blockchain”)[5].
  • États-Unis : L’administration a accordé 3 millions de dollars aux chercheurs pour examiner les utilisations de crypto-monnaies, y compris leur application aux « contrats intelligents » (smart contracts). Les contrats intelligents transforment un contrat standard en un programme exécutable sur la base de règles qui, une fois appliquées, exécutent ensuite les différentes dispositions du contrat tout au long de son cycle de vie. Le gouvernement souhaitait connaître comment les contrats intelligents pouvaient modifier la façon dont se déroulent les transferts financiers (tels que l’impôt, d’autres financements). En effet, chaque séquence est enregistrée et horodatée dans la blockchain, ce qui lui assure sa propre intégrité, le cryptage la rendant inviolable.
  • Singapour : Le gouvernement et l’Autorité Monétaire de Singapour (MAS), ont investit près de 225 millions de dollars en « FinTech » (technologie financière) et en innovation, dont une partie concerne l’utilisation de la technologie de la blockchain pour un stockage sécurisé des données[6].
  • Tunisie : Le gouvernement utilise la technologie de la blockchain pour améliorer l’accessibilité aux services financiers pour tous les citoyens[7].
  • Estonie : un programme « e-residence » a été établi pour permettre à quiconque dans le monde entier de demander à devenir e-résident de l’Estonie (pour y implanter une entreprise, par exemple). Les résidents obtiennent leur carte d’identité numérique avec une clé cryptographique afin de signer des documents numériques en toute sécurité, le tout en supprimant la nécessité d’une signature manuelle sur les formulaires gouvernementaux. De cette façon, les citoyens estoniens à part entière peuvent voter et voir quelles sont les données détenues par le gouvernement à leur sujet ; qui y a accédé et pour quelles raisons[8].

 

La blockchain : un protocole informatique, une culture décentralisée et fondée sur la confiance entre les parties prenantes

En conclusion, le concept de cette technologie distribuée ou décentralisée représente un possible bouleversement de nos usages personnels, professionnels et même citoyen. Toutefois, l’engouement médiatique incontestable, décuplé par le succès (spéculatif) du Bitcoin, a créé une forme de « buzz » autour de la blockchain qu’il convient de nuancer. En effet, la technologie blockchain a encore besoin de temps : pour se simplifier, pour se déployer, pour créer ses propres usages et écosystèmes.

En revanche, si le temps d’une émancipation globalisée de la blockchain n’a pas encore sonné, il convient de retenir que les phases expérimentales sont lancées et pour reprendre une citation de Bill Gates : « On surestime toujours le changement à venir dans les deux ans, et on sous-estime le changement des dix prochaines années. Ne vous laissez pas bercer par l’inaction»[9].

 

Alain-Joseph Poulet
Pôle Droit & Gouvernance IGTD
Doctorant Droit – Paris Dauphine
Mail : juris@gouvernancepublique.fr

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Crypto-monnaie

[2] https://blockchainfrance.net/decouvrir-la-blockchain/c-est-quoi-la-blockchain/

[3] https://fr.wikipedia.org/wiki/Syst%C3%A8me_de_fichiers_distribu%C3%A9

[4]https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=5391A6236F27AAE736F68CF13B0C1A5F.tpdila11v_2?cidTexte=JORFTEXT000032465520&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id&idJO=JORFCONT000032465291ggh

[5] https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/492972/gs-16-1-distributed-ledger-technology.pdf

[6] http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2016/11/16/97002-20161116FILWWW00119-singapour-va-lancer-une-plateforme-blockchain.php

[7] http://www.usine-digitale.fr/article/la-tunisie-pionniere-sur-la-blockchain.N373061

[8] http://convention-s.fr/wp-content/uploads/2016/12/EN-ESTONIE-_-BLOCKCHAIN-EN-PASSE-DE-REMPLACER-LES-NOTAIRES-_.pdf

[9] Gates, B., Myhrvold, N., & Rinearson, P., 1996. The road ahead (2nd ed.). New York ; London: Penguin Books.


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Entretien avec Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, porte-parole du gouvernement

« C’est la vie des territoires qu’il faut imaginer et construire et non simplement l’administration des territoires, ni même l’aménagement des territoires »

Pouvoirs Locaux : L’actualité du ministère a été et demeure particulièrement dense. Pourriez-vous nous dire quelles sont vos différentes réalités ?

Stéphane Le Foll: Dans l’activité du ministère, il y a une dimension européenne évidente. La politique agricole, c’est d’abord une politique européenne. La réforme de la politique agricole commune (PAC) a été au cœur des grands enjeux agricoles en 2013 et 2014 et de nombreux Conseils des ministres de l’agriculture ont été nécessaires. Aujourd’hui nous traversons une triple crise de marché, et là aussi la réponse doit être trouvée à l’échelle européenne à un moment où l’Europe s’est privée de tout outil de régulation des marchés (NDLR: fin des quotas en 2008). La loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du13 octobre 2014que j’ai portée insiste sur la nécessaire combinaison de trois performances qui sont souvent opposées et qui, je pense, sont tout à fait compatibles : la performance économique, la performance environnementale et la performance sociale. Cette dernière est un enjeu particulier dans le monde rural mais aussi dans le monde urbain et périurbain. L’activité du ministère, c’est aussi l’enseignement agricole et la recherche. Nous avons besoin d’un enseignement agricole qui prolonge les choix stratégiques eux-mêmes soutenus par une recherche dynamique. C’est d’ailleurs avec les chercheurs qu’a été développée la stratégie « 4 pour 1000 », une stratégie de stockage de carbone dans les sols agricoles, à l’échelle mondiale, s’inscrivant dans une démarche d’atténuation du réchauffement climatique. Ce programme regroupe une centaine de pays dans le monde et autant d’institutions mondiales. Ces initiatives correspondent aussi à une projection dans l’avenir et à la reconnaissance d’un fait: l’agriculture est elle-même porteuse de solutions pour limiter les effets de sa propre activité

Pouvoirs Locaux : Vous avez initié en février 2016, un débat sur les nouvelles dynamiques rurales et agricoles pour « penser autrement le rural ». Quelle est votre définition du rural ?

Stéphane Le Foll: Nous pouvons toujours le définir, par opposition, comme ce qui n’est pas urbain. En ce sens, la définition de l’Insee définit « l’espace à dominante rurale, ou espace rural, [comme le regroupement] de l’ensemble des petites unités urbaines et communes rurales n’appartenant pas à l’espace à dominante urbaine » (pôles urbains, couronnes périurbaines et communes en multipolarité). Cet espace est très vaste, il représente 70 % de la superficie totale du territoire et les 2/3 des communes de la France métropolitaine. Il faut également tenir compte de la densité des espaces ruraux et forestiers comme il faut comprendre qu’il n’existe pas une agriculture mais des agricultures. Si l’exode rural a été un mouvement de la population agricole vers l’urbain, aujourd’hui l’espace rural est un espace de navette pour les personnes qui travaillent en ville et qui vivent dans un espace rural. 82 % des habitants du monde rural vivent dans des communes dont les actifs occupés dépendent pour plus de 30 % d’emplois urbains. Cette navette a complètement changé le rural. Nous sommes en quelque sorte restés figés sur une vision du rural statique alors que sa réalité est de plus en plus mobile. Cette nouvelle donne doit permettre de vivre et de penser autrement les dynamiques rurales. Mon expérience d’élu d’un territoire rural m’a permis de constater qu’un espace rural se construit certes sur une activité agricole mais que celle-ci demeure reliée à un village qui voit se développer aux alentours des lotissements. Concevoir le rural de demain, c’est intégrer cette dimension d’expansion et la gérer en répondant aux attentes de ceux qui ont fait le choix du monde rural, soit de manière volontaire, soit de manière subie, souvent en raison du coût de la vie en ville…..

TELECHARGEZ L’INTEGRALITE DE L’ENTRETIEN


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Comme l’illustre le visa du Code général des collectivités locales qui accompagne le décret, la déconcentration contemporaine s’est définie d’abord au regard, voire en symétrie de la décentralisation. La charte de 2015 ne rompt pas avec cette réalité. Chaque « avancée » de la déconcentration a correspondu à la nécessité pour l’État de conforter et de réorganiser ses services territoriaux suite à un « choc » de décentralisation. On a pu le constater en 1992, alors que les lois de décentralisation de 82 commençaient à produire tous leurs effets, puis lorsque les transferts massifs de compétences issus de la loi du 13 août 2004 ont conduit inéluctablement à une profonde ré-ingénierie des services déconcentrés, d’abord par le décret du 29 avril 2004 (modifié en 2010), ensuite dans le décret « REATE » de 2009 relatif aux directions interministérielles, repris en visa dans la nouvelle charte. Certes, le terme de choc peut paraître excessif, s’agissant des développements récents de la décentralisation. Pour autant, ne doit pas être sous-estimé l’impact sur l’État déconcentré de deux décisions majeures, la nouvelle carte des régions (loi du 16 janvier 2015) et le transfert de la gestion des fonds européen des préfets de région (SGAR) aux régions (loi MAPTAM du 27 janvier et décret du 3 juin 2014). Il n’est pas indifférent que l’article définissant les missions de l’échelon régional se soit étoffé d’une charte à l’autre et que les préfets de région dominent à l’égal des secrétaires généraux des ministères la nouvelle conférence nationale de l’administration territoriale de l’État (CNATE). Face aux puissants présidents des « grandes régions » et de certaines métropoles, l’État tente de donner aux préfets concernés plus que du pouvoir, de l’influence. Mais il est vrai que dans ce paysage définitivement asymétrique, c’est son propre mode d’appréhension des territoires que l’État, sous impératif financier, doit interroger. Le décret du 7 mai s’essaye à redéfinir, à réaffirmer, à recomposer la déconcentration tout en faisant preuve dans la réalité du texte publié d’une prudence remarquée.

Une approche clarifiée de la déconcentration
L’introduction par la loi du 6 février 1992 du principe de subsidiarité avait conduit les auteurs de la charte à définir de manière sibylline la déconcentration comme « la règle générale de répartition des attributions et des moyens entre les échelons centraux et territoriaux des administrations civiles de l’État ». Même si cette rédaction est reprise pour ordre dans la charte de 2015 à l’alinéa 2 de l’article premier, la déconcentration fait l’objet d’un essai de définition inédit et bienvenu : « La déconcentration consiste à confier aux échelons territoriaux des administrations civiles de l’État le pouvoir, les moyens et la capacité d’initiative pour animer, coordonner et mettre en œuvre les politiques publiques définies au niveau national et européen, dans un objectif d’efficience, de modernisation, de simplification, d’équité des territoires et de proximité avec les usagers et les acteurs locaux. » On trouve dans ce premier alinéa, comme dans plusieurs autres articles, l’affirmation d’une coproduction entre les diffé- rents niveaux de décision de l’État, aux antipodes d’une subsidiarité abstraite et inopérante. Le changement de perspective qui s’esquisse rend crédible, à terme, le découplage partiel entre une déconcentration ainsi « recentrée » et une décentralisation ouverte à la diffé- renciation territoriale.

Si l’objectif pluriel assigné à la déconcentration s’inscrit naturellement dans l’esprit de la modernisation de l’action publique (MAP), « l’efficience » apparaît en tête des préoccupations d’un État qui comprend 90 % de ses effectifs dans les services territoriaux. L’esprit de la REATE est ici parfaitement intégré. Les préfets sont donc invités à intensifier les mutualisations entre services déconcentrés ou à confier si nécessaire à l’un d’eux une mission pour le compte d’un autre. Et le regroupement de programmes budgétaires (ministériels) qui comportent des BOP locaux peut être envisagé dès lors qu’il repose sur un besoin de rationalisation partagé entre l’administration centrale concernée et le préfet de région.

Dans un tel contexte, la mention de la « proximité avec les usagers » s’avère tout à la fois porteuse de sens, car elle parle aux agents du service public, et porteuse d’exigence, dès lors qu’elle implique une profonde et urgente transformation des organisations à l’aune de la dématérialisation des procédures comme de la fragmentation sociale et territoriale du pays. La deuxième tentative de clarification du décret consiste à insérer dans le processus de déconcentration ceux des opérateurs de l’État qui disposent « d’une représentation territoriale ou qui concourent à la mise en œuvre des politiques publiques au niveau territorial ». Ayant mis en exergue dès le 3e alinéa de son article premier que la déconcentration impliquait « l’action coordonnée de l’ensemble des services déconcentrés et des services territoriaux des établissements publics de l’État », la charte consacre un long article 15 à la manière de garantir concrètement l’unité de l’action de l’État dans les territoires. On peut y déceler une réponse aux observations de la Cour des Comptes concernant les opérateurs, notamment dans son rapport de juillet 2013 sur l’organisation territoriale de l’État. Le préfet se voit ainsi reconnaître – dans certains cas – un droit de regard sur la nomination et l’évaluation du responsable territorial de l’opérateur, voire celui de désigner un membre du corps préfectoral pour remplir cette fonction.

La troisième contribution originale à la clarification de la déconcentration réside dans la création de la CNATE qui tranche par rapport aux habituels comités ou conseils de deux manières : d’une part, dans son objet qui est de veiller collectivement à l’articulation des politiques publiques entre administrations centrales, services à compétence nationale et services déconcentrés ; d’autre part, de par sa vocation à évaluer annuellement la cohérence mais aussi la dynamique des actions conduites en bonne intelligence par les préfets de région et les secrétaires généraux de ministère. Il sera pertinent de suivre le destin de cette Conférence d’un nouveau type à laquelle l’État confie en quelque sorte le rôle de garant de la coproduction entre le central et le territorial.

Une audace à peine entrevue
Il eût été logique d’ajouter à la liste des apports de la charte de 2015, cette innovation majeure que représente la possibilité pour le préfet de région de déroger « aux règles fixées par les décrets relatifs à l’organisation et aux missions des services déconcentrés de l’État » (art. 16). Mais la lecture comparée du décret paru le 7 mai et du projet de charte diffusé dans la presse trois semaines auparavant conduit plutôt à classer ce droit à l’expérimentation déconcentrée dans le chapitre des occasions manquées signifiantes.

En effet, le projet qui devait être soumis au Conseil des Ministres du 22 avril permettait au préfet de région de proposer des expérimentations pour l’ensemble des services déconcentrés, à l’exception des organismes ou missions à caractère juridictionnel et des actions d’inspection de la législation du travail (art. 32 et article 33 I 2° du décret de 2004). Or, le texte définitif exclut de ce dispositif tous les services et missions énumérés à l’article 33 dudit décret, à savoir l’Éducation nationale, l’INSEE, l’essentiel de la DGFiP et de la Douane, les Agences Régionales de Santé. Un « cavalier réglementaire » (art. 19) a été introduit in fine dans le chapitre « Disposition diverses », qui dévalue les ambitions novatrices de la charte en matière d’expérimentation, mais aussi de mutualisation et de rationalisation ou de mise à disposition des moyens. Paradoxalement, le texte ainsi amputé exprime désormais plus d’exigence pour des opérateurs à statut autonome que pour certains services ministériels déconcentrés.

Ajoutons que ne s’applique plus aux administrations exemptées l’article 18 du décret, qui donne mission à la CNATE de veiller « à la bonne articulation des relations entre les administrations centrales et les services déconcentrés et au respect des principes de déconcentration fixés par le présent décret ». L’écart crucial entre les deux versions résulte selon les observateurs de discussions et amendements énoncés lors du Conseil supérieur de la Fonction publique de l’État qui s’est tenu le 27 avril 2015.

L’autre prudence de la charte se manifeste par l’absence de toute perspective concernant le cadre d’action infrarégional des services déconcentrés. Autant le texte détaille avec un grand soin des compétences régionales substantielles (art. 5), confirmant la volonté de l’État d’af- ficher des préfets de région plus forts face à des collectivités plus puissantes, autant sont abordés de manière minimaliste les rôles assignés à la circonscription départementale (« échelon de mise en œuvre des politiques nationales et de l’Union », art. 6) et à l’arrondissement (« cadre territorial de l’animation du développement local et de l’action administrative locale de l’État », art. 7). On comprend que ce décret n’a pas vocation aujourd’hui à dessiner les territoires de la déconcentration de demain et qu’il se rattache à titre conservatoire au schéma préfectoral stabilisé depuis la IIIe République. On peut noter malicieusement qu’aurait dû figurer dans les visas de la charte le décret du 5 novembre 1926 de décentralisation et de déconcentration administrative, dont le titre III – art. 54, toujours en vigueur, définit les compétences générales du sous-préfet d’arrondissement.

 Un texte de transition?
De par le contexte de son élaboration qui s’apparente à un acte manqué, la charte de la déconcentration de 2015 constituera certainement un cas d’école pour les spécialistes de sciences politiques. De par son caractère non abouti et ses déséquilibres, elle figurera sans doute comme un sujet de perplexité durable pour les juristes.

Aux acteurs du périmètre REATE, et d’abord au corps préfectoral, en lien avec les administrations centrales concernées, de se saisir de ses potentialités pour innover, mutualiser, expérimenter, bref pour démontrer que ce décret du 7 mai peut être autre chose qu’un texte de transition.

 

B. N.


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