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Dimanche 4 décembre 2016, les Italiens sont appelés aux urnes pour s’exprimer dans le cadre d’un référendum portant révision de la Constitution du 1 janvier 1948. Examinons la question à laquelle il leur est proposé de répondre :

Approuvez-vous le texte de la loi constitutionnelle sur les « dispositions pour dépasser le bicamérisme, sur la réduction du nombre des parlementaires, sur la maîtrise des coûts de fonctionnement des institutions, sur la suppression de la Cnel et sur la révision du titre V de la deuxième partie de la constitution », tel qu’approuvé par le Parlement et publié dans le no 88 de la Gazzetta ufficiale du 15 avril 2016 ? »

Ce référendum s’inscrit dans un processus de réformes initié par Matteo Renzi, Président du Conseil italien, dès son arrivée au pouvoir en 2014. Si la France était, parallèlement, traversée par un vent de réformes territoriales, l’Italie n’était pas en reste et s’apprêtait à vivre la « Renzimania ». Les réformes évoquées sous le Gouvernement « Renzi » sont multiples :

  • Economiques : à travers le « jobs act » ;
  • Fiscales : suppression de l’impôt foncier et de la taxe d’habitation sur la résidence principale et la réduction de l’impôt pour les bas revenus et d’allègement en faveur des entreprises ;
  • Et d’ordre constitutionnelle.

A quelques jours du vote référendaire, examinons le contenu de la reforme constitutionnelle proposée :

Le contexte politique : le phénomène « Renzimania »

Aucune surprise dans la démarche. En effet, ironie ou sens de l’humour, c’est devant le Sénat en février 2014, que l’ancien maire de Florence, Matteo Renzi, annonçait ses ambitions de réformes devant contribuer au renouveau économique et social de la péninsule italienne. Et parmi ces réformes, figurait la modernisation de l’institution sénatoriale dans sa forme actuelle, jugeant le processus législatif (« fabrique de la loi ») trop lent.

Il affirmait en ces termes « vouloir être le dernier Premier ministre à demander la confiance du Sénat ». Un discours audacieux pour celui qui ne disposait même pas de l’âge légal pour siéger au Sénat (celui-ci étant fixé à 40 ans et n’en ayant que 39 ans alors).

Pour l’accompagner dans cette modernisation c’est une jeune avocate Maria Elena Boschi qui sera nommée, en février 2014, « ministre pour les Réformes constitutionnelles et les Relations avec le Parlement ». Au regard des vifs débats parlementaires, il aura fallu presque 2 ans pour convaincre de l’opportunité de la réforme : le 12 avril 2016, la « loi Boschi » ou « Renzo-Boschi » est adoptée définitivement… enfin presque. Une victoire pour Président du Conseil qui avait fait de cette réforme une de ses priorités : « la mère de toutes les réformes ». « Si nous la faisons, alors nous aurons réussi notre tournant » [1]. M. Renzi veut être celui qui changera définitivement (jusqu’à la prochaine réforme) le cadre institutionnel de l’Italie.

Malgré le vote parlementaire, la loi n’est pas encore définitive et son entrée en vigueur est suspendue au vote référendaire. Cela, en raison de la nature constitutionnelle de la loi et conséquemment des règles de majorités applicables.

Ces règles sont définies à l’article 138 de la Constitution italienne [2] du 1er janvier 1948:

« Les lois de révision de la Constitution et les autres lois constitutionnelles sont adoptées par chaque chambre au moyen de deux délibérations successives à un intervalle de trois mois au moins et elles sont approuvées, au second tour de scrutin, à la majorité absolue des membres de chaque chambre.

Ces lois sont soumises à un référendum populaire lorsque, dans les trois mois suivant leur publication, un cinquième des membres d’une chambre ou cinq cent mille électeurs ou cinq conseils régionaux en font la demande. La loi soumise à un référendum n’est pas promulguée si elle n’est pas approuvée à la majorité des suffrages valablement exprimés.

Il n’y a pas lieu de procéder à un référendum si la loi a été approuvée au second tour de scrutin par chacune des deux chambres à la majorité des deux tiers de ses membres. »

En l’espèce, la loi « Boschi » a été adoptée à la majorité absolue (moitié des voix plus une) manquant ainsi la majorité qualifiée des deux tiers du Parlement pour passer outre le référendum. Ainsi, en application de l’article 138, la procédure de référendum a été ouverte à la demande des membres du Parlement réunissant au moins les un cinquième des membres d’une Chambre (et en l’espèce le seuil des 1/5ème était atteint dans les deux Chambres). [3]

La lecture de la question posée au peuple italien fait apparaître les principales dispositions contenues dans cette loi de réforme constitutionnelle dont il convient d’en présenter les détails ci-après.

 

Les dispositions de la loi constitutionnelle soumises au référendum

1. Vers la fin du « bicamérisme parfait »

En Italie, le processus législatif s’articule autour d’un Parlement composé par la Chambre des députés (l’équivalent de l’Assemblée nationale) et par le Sénat. L’organisation du Parlement est dite « parfaite » ou « paritaire », en ce sens que les deux chambres disposent des mêmes compétences. En pratique, cela se traduit par l’obligation qu’un texte de loi soit examiné à tour de rôle par les députés et par les sénateurs. Une procédure également connue sous les termes de « navette parlementaire ».

Mais si l’organisation du Parlement italien est « parfaite », pourquoi la modifier ? L’objectif affiché par Matteo Renzi est triple :

  • simplifier la vie politique,
  • réduire les coûts
  • garantir plus de stabilité politiqu

Cela passerait donc par une révision de l’organisation du Parlement, et donc des relations entre les deux Chambres, qui vise à rendre la « fabrique de la loi » plus efficiente permettant une adoption des textes dans des délais plus courts.

En pratique, le passage d’un bicamérisme parfait en un bicamérisme imparfait induit l’introduction de la notion de différenciation parlementaire et l’idée que les deux Chambres n’ont pas la nécessité d’intervenir égalitairement dans toute la fabrication d’un texte de loi.

Par ailleurs, la forme actuelle du Parlement (bicamérisme parfait) présente des contraintes politiques. En effet, à considérer que les deux Chambres ont les mêmes compétences, un gouvernement ne pourrait survivre sans majorité en leur sein.

Pour les militants du « NON » (rejet du référendum), la modification de l’organisation parlementaire n’aurait aucun sens et aucun impact financier.

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2. La modernisation du Sénat

La fin annoncée du bicamérisme parfait modifie donc le rôle du Parlement. Mais de quelle manière ? C’est sur le Sénat que le président du Conseil a porté son dévolu sans pour autant le supprimer puisqu’il conserve sa dénomination actuelle : il Senato della Republica.

Réduction du nombre de parlementaires. Qui et combien ?

Le Sénat dans sa forme actuelle compte 321 sénateurs élus au suffrage universel direct dans un cadre régional. Cette réforme propose une révision majeure de l’institution dont [4] :

  • La réduction du nombre de sénateurs de 321 à 100 :
    • 95 élus régionaux (la durée du mandat des sénateurs coïncide avec celle des organes des institutions locales à partir de laquelle ils ont été élus)
    • 5 nommés par le gouvernement (ces cinq derniers seront élus pour sept ans, le temps du mandat présidentiel) ;
  • L’indemnité des sénateurs est supprimée ;
  • En terme de compétences :
    • Le Sénat ne votera plus la confiance du Gouvernement ;
    • Le Sénat n’aura plus de compétences en matière d’Etat d’urgence, ou de guerre ;
    • Il conserve toutefois des pouvoirs législatifs dans les domaines suivants :
      • Les rapports entre l’Etat, l’Union Européenne et les territoires ;
      • Sur les textes modifiant les compétences régionales ;
      • Pour les lois de révision de la Constitution ;
      • Pour les lois relatives aux référendum populaire
      • Pour les lois qui déterminent les règles électorales, les organes et les fonctions fondamentales des communes et des Métropoles et les groupements de communes.

Dans ce contexte, la Chambre des députés deviendra l’unique assemblée législative.

Réduction des coûts institutionnels : l’exemple de la suppression de la CNEL

Poursuivant une logique de réduction des coûts de fonctionnement des institutions, le Consiglio Nazionale dell’Economia e del Lavoro (Conseil National de l’Economie et du Travail, l’équivalent du CESE) sera supprimé. Le CNEL est un organisme consultatif du gouvernement, du Parlement, des Régions et des Provinces autonomes, auxquelles il fournit, sur demande, des avis en matière économique et sociale. Le CNEL a été institué par l’article 99 de la Constitution italienne en janvier 1957 ; et son activité est encadrée par la loi n° 936 de 1986 et par la loi n° 383 de 2000.

Le CNEL exprime des avis demandés par les dites Institutions et offre des propositions et des avis sur la législation nationale et régionale, en matière de législation économique et sociale.

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3. La révision du titre V de la deuxième partie de la constitution : suppression des « province » (nos départements)

Le titre V de la Constitution italienne du 1er janvier 1948 est consacré aux dispositions relatives à l’organisation territoriale de la République italienne et sur les statuts des collectivités territoriales. Ce titre s’intitule les « régions, provinces, communes ».

Ainsi, comme en France, l’organisation territoriale de la République italienne repose sur des échelons administratifs disposant de compétences propres, voire pour certains de pouvoirs législatifs.

A titre de rappel, l’Italie est composé de 20 régions [5] dont 15 dites à statut normal et 5 régions autonomes dites à statut particulier. La réforme, objet du référendum, ne concerne d’ailleurs pas les 5 régions autonomes que sont : Val-d’Aoste, Trentin-Haut-Adige, Frioul-Vénétie Julienne, Sicile, Sardaigne.

Ainsi, la loi « Boschi » prévoit une disposition majeure relative à l’organisation territoriale de la République italienne à savoir : la suppression des « province ». Les Provinces pourraient avoir pour équivalence en France les départements. Dans ce contexte, l’article 114 de la Constitution serait ainsi modifié :

« La République se compose des communes, des villes métropolitaines, des régions et de l’État.

Les communes, les villes métropolitaines et les régions sont des entités autonomes ayant un statut, des pouvoirs et des fonctions propres, conformément aux principes établis par la Constitution. Rome est la capitale de la République. Son statut est réglé par la loi de l’État. »

Conséquemment les termes de « Province » sont abrogés aux articles 118 et 119 de la Constitution.

Quelles conséquences sur les collectivités territoriales ?

L’impact de cette suppression n’est pas neutre puisqu’elle vient redéfinir les compétences entre les collectivités restantes, ainsi que renforcer le rôle de l’Etat. D’ailleurs, il est intéressant de noter que la réforme prévoit une révision quasi intégrale de l’article 117 de la Constitution qui définit la répartition de compétences législatives entre les Régions et l’Etat. La réécriture de cet article se traduit par un renforcement certain de l’Etat central.

En effet, la réforme abolit la notion de « compétences concurrentes » et transfère à l’Etat des compétences jusqu’alors partagées (concurrentes) avec les régions. Parmi celles-ci, l’Etat devient seul compétent sur[6] :

  • La coordination des finances publiques et le système d’imposition; La péréquation des ressources financières ;
  • Les règles de procédure administrative et la réglementation de la fonction publique visant à assurer l’uniformité sur le territoire national ;
  • Les dispositions générales et communes pour la protection en matière de santé, pour les politiques sociales et pour la sécurité alimentaire
  • Les dispositions générales et communes pour l’éducation; le système éducatif; l’enseignement universitaire et la planification stratégique de la recherche scientifique et technologique;
  • Le scrutin électoral, les organes et les fonctions fondamentales des municipalités et des villes métropolitaines; ainsi que sur les dispositions relatives aux formes de regroupements communaux ;
  • La sécurité sociale, y compris les pensions complémentaires ; la protection et la sécurité d’emploi; les politiques du marché du travail ; les dispositions générales et communes sur la formation professionnelle ;
  • La protection et la valorisation du patrimoine culturel; l’environnement et l’écosystème; le droit du sport; les dispositions générales et communes sur les activités culturelles et le tourisme ;
  • Les dispositions générales et communes sur la production, le transport national de l’énergie et la distribution ;
  • Les infrastructures stratégiques des grands réseaux de transport, des ports et des aéroports civils d’intérêt national et international.

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4. Les autres dispositions de la réforme constitutionnelle

L’expression de la démocratie

L’article 71 de la Constitution confère au peuple italien un pouvoir législatif à travers l’«initiative législative ». Ce droit permet à 50.000 citoyens signataires de proposer un texte de loi.

La réforme constitutionnelle modifie le présent article qui élève le seuil des signataires qui passe de 50.000 à 150.000 citoyens.

Le référendum

Deux nouvelles catégories de référendum sont créées :

– le référendum « propositivo » : délibératif ;

– le référendum « di indirizzo » : pour avis/consultation.

Pour décider des modalités et des effets de ces modes de consultations citoyennes, il faudra, dans un premier temps, une loi constitutionnelle puis, dans un second temps, une loi ordinaire.

L’élection du président de la République

Les modalités d’élection du président de la République sont modifiées comme suit :

  • Participeront seulement à l’élection, les députés et sénateurs ;
  • Les règles de quorum sont modifiées :
    • Majorité des deux tiers des votants pour les trois premiers scrutins,
    • Majorité des trois cinquièmes des votants à partir du quatrième scrutin,
    • Majorité des trois cinquièmes des votants à partir du septième scrutin.

Le président de la République pourra dissoudre uniquement la Chambre des députés, et non plus le Sénat. Le président de la Chambre des députés devient suppléant du président de la République en cas d’incapacité de ce dernier.

Les enjeux de la réforme constitutionnelle

L’exercice soumis à l’appréciation démocratique présente bien des enjeux. Le premier, et plus apparent, c’est un enjeu historique. Ce référendum constitutionnel sera le 3ème en 15 ans, les deux derniers datant de 2001 [7] et 2006 [8]. Le second porte sur l’issue même du référendum.

Si, le « Oui » l’emporte, alors ce référendum constituera l’une des plus importantes modifications institutionnelles depuis la fin de la monarchie italienne.

Aussi, ce référendum pose comme autre enjeu, « l’équilibre parlementaire » permettant d’apporter, enfin, une réponse à une fabrique de la loi pesante et immobilisante. Concrètement, il s’agira par cette réforme de transformer le « Sénat de la République » par un « Sénat des Régions ».

Toutefois, selon Carlo Rapicavoli, directeur général de la Province de Treviso :

« La révision du titre V apporte avec elle de nombreuses contradictions. Elle n’a pas clarifiée ou résolue les principales questions critiques découlant de la réforme de 2001. Elle consacre le retour de l’Etat, donnant aux relations entre les autorités nationales et locales un tournant clairement centraliste. La réforme limite le pouvoir législatif des régions et n’apporte pas d’éléments de clarté dans la répartition des compétences entre les collectivités et l’Etat. Elle supprime ainsi un chemin lent et difficile de la décentralisation administrative et renforce le renouveau de la centralisation. Elle perpétue et renforce une différenciation claire entre les territoires – régions spéciales et normales-. Enfin, elle trahit et contredit le principe fondamental de notre droit consacré par l’art. 5 [9] de notre Constitution. » [10]

Vers un parlementarisme différencié en France

En 2015, déjà le blog de l’IGTD abordait cette notion de « fabrique de la loi » en France puisqu’en 2008, François Fillon, Premier ministre, avait informé, dans la circulaire du 29 février 2008 relative à l’application des lois, que « chaque disposition législative qui demeure inappliquée est une marque d’irrespect envers la représentation nationale et de négligence vis-à-vis de nos concitoyens ». De cet acte, une forme d’obligation de résultats engageait ses ministres. En effet, la circulaire prévoyait, et le prévoit toujours, la publication tous les 6 mois sur le site www.legifrance.gouv.fr des bilans de l’application des lois. Le dernier bilan en ligne (au 30 juin 2015) fait état que seul 70% des décrets d’application ont été effectifs et publiés par le gouvernement. Le calcul est rapide, 30% des textes de lois sont encore dans l’attente de publication, et restent donc inapplicables. Les raisons de cette attente sont diverses, comme l’explique Philippe Bas, président de la Commission des lois du Sénat, « lorsque la publication des décrets se fait attendre, c’est en général que le compromis politique qui a été trouvé n’est pas applicables dans les faits. […]. Il arrive aussi que des décrets ne soient pas pris pour des questions de budget ».[11]

Depuis cette circulaire, la problématique reste inchangée et le temps législatif et son application demeurent longs. Sans doute, contrebalancer cette tendance est devenu un enjeu majeur. Le Président de la République François Hollande a, quant à lui, fait le choix d’un classement officieux de ses ministres.[12] Tous les moyens semblent permis mais lesquels fonctionnent ?

Les exigences du temps démocratique doivent inciter le législateur à la nécessité de réduire le temps de la « fabrique de la loi ». Une des réponses possibles pourrait se trouver dans la révision de la procédure législative et surtout dans les rôles respectifs des deux Chambres. Comme il a été rappelé ci-dessus, le bicamérisme français est inégalitaire du fait de la prédominance d’une Chambre sur l’autre. Mais cette prédominance ne se caractérise pas pourtant par des compétences différenciées selon la nature et l’objet des textes à examiner. Dès lors, les Chambres ne pourraient-elles pas disposer de compétences spécialisées en fonction de l’objet du texte de loi ? La « navette » parlementaire se verrait allégée de contraintes procédurales et libérée en vue de renforcer l’étape de mise en application de la loi.

Comme son voisin transalpin, doucement mais surement, l’idée d’une réforme émerge en France. L’inconnu réside quant à son intitulé : constitutionnelle, institutionnelle… et les ambitions des deux Chambres semblent déjà diverger. Comme en témoigne le récent témoignage de Gérard Larcher, président du Sénat, pour qui les objectifs d’une réforme seraient de « renforcer la participation aux travaux sénatoriaux, légiférer et contrôler plus efficacement, garantir la transparence financière et une gestion exigeante ».[13] A l’inverse, Claude Bartolone admet la lenteur de l’appareil législatif et va jusqu’à proposer « une révision constitutionnelle […] parallèlement je souhaite que nous ayons une réflexion sur nos institutions.»[14]

Le sujet de la différenciation parlementaire comme outil de fluidification du processus législatif est à présent ouvert voire plus que jamais une nécessité dans un monde mouvementé où l’expression démocratique dépasse le seul vote et les stricts grands rendez-vous électoraux.

Alain-Joseph Poulet
Pôle Droit & Gouvernance IGTD
Doctorant Droit – Paris Dauphine
Mail : juris@gouvernancepublique.fr

[1] http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/en-italie-matteo-renzi-lance-sa-reforme-constitutionnelle-513552.html

[2] http://mjp.univ-perp.fr/constit/it1947a.htm

[3] http://www.ilsole24ore.com/art/notizie/2016-04-20/referendum-riforme-depositate-firme-senatori-dell-opposizione–115248.shtml?uuid=ACgAVRBD&refresh_ce=1

[4]http://www.repubblica.it/politica/2015/10/13/news/scheda_riforma_costituzione_senato_ddl_boschi_solo_testo-124904893/

[5] Piemont, Lombardie, Vénétie, Ligurie, Émilie-Romagne, Toscane, Ombrie, Marche, Latium, Abruzzes, Molise, Campanie, Pouilles, Basilicate, Calabre

[6] http://www.leggioggi.it/2016/10/26/referendum-costituzionale-contenuti-riforma-cosa-cambia-per-regioni-e-autonomie-locali/

[7] Réforme constitutionnelle approuvée le 18 octobre 2001 visant à modifier l’article V de la Constitution

[8] Réforme constitutionnelle des 25 et 26 juin 2006 dit de « réforme fédérale »

[9] Article 5 : « La République, une et indivisible, reconnaît et favorise les autonomies locales ; elle réalise dans les services qui dépendent de l’État la plus large décentralisation administrative ; elle adapte les principes et les méthodes de sa législation aux exigences de l’autonomie et de la décentralisation. »

[10] http://www.leggioggi.it/2016/10/26/referendum-costituzionale-contenuti-riforma-cosa-cambia-per-regioni-e-autonomie-locali/

[11] Hélène Bekmezian interview de Philippe Basfustige « l’incroyable obésité » des textes, Le Monde, 5 août 2015

[12]  Marc de Boni, « François Hollande fait classer les performances de ses ministres », Le Figaro, 26 juin 2015

[13] Sophie Huet, « Larcher propose une réforme du Sénat », Le Figaro, 12 mars 2015

[14] Hélène Bekmezian, interview avec Claude Bartolone, « Le président doit pouvoir débattre avec les parlementaires », Le Monde, 5 août 2015.


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Entretien avec Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, porte-parole du gouvernement

« C’est la vie des territoires qu’il faut imaginer et construire et non simplement l’administration des territoires, ni même l’aménagement des territoires »

Pouvoirs Locaux : L’actualité du ministère a été et demeure particulièrement dense. Pourriez-vous nous dire quelles sont vos différentes réalités ?

Stéphane Le Foll: Dans l’activité du ministère, il y a une dimension européenne évidente. La politique agricole, c’est d’abord une politique européenne. La réforme de la politique agricole commune (PAC) a été au cœur des grands enjeux agricoles en 2013 et 2014 et de nombreux Conseils des ministres de l’agriculture ont été nécessaires. Aujourd’hui nous traversons une triple crise de marché, et là aussi la réponse doit être trouvée à l’échelle européenne à un moment où l’Europe s’est privée de tout outil de régulation des marchés (NDLR: fin des quotas en 2008). La loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du13 octobre 2014que j’ai portée insiste sur la nécessaire combinaison de trois performances qui sont souvent opposées et qui, je pense, sont tout à fait compatibles : la performance économique, la performance environnementale et la performance sociale. Cette dernière est un enjeu particulier dans le monde rural mais aussi dans le monde urbain et périurbain. L’activité du ministère, c’est aussi l’enseignement agricole et la recherche. Nous avons besoin d’un enseignement agricole qui prolonge les choix stratégiques eux-mêmes soutenus par une recherche dynamique. C’est d’ailleurs avec les chercheurs qu’a été développée la stratégie « 4 pour 1000 », une stratégie de stockage de carbone dans les sols agricoles, à l’échelle mondiale, s’inscrivant dans une démarche d’atténuation du réchauffement climatique. Ce programme regroupe une centaine de pays dans le monde et autant d’institutions mondiales. Ces initiatives correspondent aussi à une projection dans l’avenir et à la reconnaissance d’un fait: l’agriculture est elle-même porteuse de solutions pour limiter les effets de sa propre activité

Pouvoirs Locaux : Vous avez initié en février 2016, un débat sur les nouvelles dynamiques rurales et agricoles pour « penser autrement le rural ». Quelle est votre définition du rural ?

Stéphane Le Foll: Nous pouvons toujours le définir, par opposition, comme ce qui n’est pas urbain. En ce sens, la définition de l’Insee définit « l’espace à dominante rurale, ou espace rural, [comme le regroupement] de l’ensemble des petites unités urbaines et communes rurales n’appartenant pas à l’espace à dominante urbaine » (pôles urbains, couronnes périurbaines et communes en multipolarité). Cet espace est très vaste, il représente 70 % de la superficie totale du territoire et les 2/3 des communes de la France métropolitaine. Il faut également tenir compte de la densité des espaces ruraux et forestiers comme il faut comprendre qu’il n’existe pas une agriculture mais des agricultures. Si l’exode rural a été un mouvement de la population agricole vers l’urbain, aujourd’hui l’espace rural est un espace de navette pour les personnes qui travaillent en ville et qui vivent dans un espace rural. 82 % des habitants du monde rural vivent dans des communes dont les actifs occupés dépendent pour plus de 30 % d’emplois urbains. Cette navette a complètement changé le rural. Nous sommes en quelque sorte restés figés sur une vision du rural statique alors que sa réalité est de plus en plus mobile. Cette nouvelle donne doit permettre de vivre et de penser autrement les dynamiques rurales. Mon expérience d’élu d’un territoire rural m’a permis de constater qu’un espace rural se construit certes sur une activité agricole mais que celle-ci demeure reliée à un village qui voit se développer aux alentours des lotissements. Concevoir le rural de demain, c’est intégrer cette dimension d’expansion et la gérer en répondant aux attentes de ceux qui ont fait le choix du monde rural, soit de manière volontaire, soit de manière subie, souvent en raison du coût de la vie en ville…..

TELECHARGEZ L’INTEGRALITE DE L’ENTRETIEN


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3 août 2016, Jean-Michel Baylet présente en Conseil des ministres le projet de loi relatif au « Statut de Paris et à l’aménagement métropolitain ». Double objectif :
– Harmoniser le statut particulier de la « Ville de Paris » (fusion de la commune et du département),
– Modifier les critères d’accès au statut de métropole.

C’est tout particulièrement ce deuxième point qui attire notre attention.

En effet, moins de trois ans après l’entrée en vigueur de la loi de Modernisation de l’action publique et d’affirmation des Métropoles (MAPTAM) du 27 janvier 2014, le cadre métropolitain évolue. Mais pourquoi ? Dans quelles conditions ? Quelles conséquences ? Et quelles sont ces nouvelles villes candidates ?

 

Statut de Métropole : l’imprévisible ouverture

Le cadre de la loi MAPTAM du 27 janvier 2014 semblait fixé : 14 métropoles1 et pas une de plus. En notant que le cas de Brest présente une première particularité et ce changement de statut obéit à une disposition un peu différente de la loi (il s’agit du cas où l’EPCI est au centre d’une zone d’emploi de plus de 400.000 habitants, où un certain nombre de compétences sont exercées par la communauté en lieu et place des communes et où au moins les deux tiers des conseils municipaux se sont exprimés en faveur du projet de métropole). Bref, une sélection stricte élaborée à partir de critères d’attribution encadrés et fondés essentiellement à l’appui de données démographiques et fonctionnelles. A titre d’exemple, la loi crée le passage au statut de métropole de « plein droit » pour les EPCI à fiscalité propre existants, de plus de 400 000 habitants, situés dans une aire urbaine de plus de 650.000 habitants. L’INSEE complète cette base légale en définissant la notion d’ « aire urbaine ».

Or, l’ouverture de la récente réforme territoriale par un texte consacré aux métropoles n’apparaît plus comme un hasard. Cette transformation de catégorie ouverte aux EPCI se positionne comme une innovation en réponse aux enjeux économiques et internationaux. D’ailleurs, la loi Notre du 7 août 2015 y apportera de légers ajouts notamment sur les statuts particuliers du Grand-Paris et d’Aix-Marseille-Provence.

La nouvelle carte territoriale dessinée par la récente réforme crée des opportunités pour certaines aires urbaines jusqu’alors éloignées de l’objectif « métropole » au regard des conditions fixées par la loi MAPTAM. Parmi elles : l’agglomération nancéienne. En effet, avec 266 000 habitants, le Grand Nancy était loin des 400 000 habitants prévus par la loi. Les frontières entre « théorie et pratique » ont été, en l’espèce, repoussées.

Mais si Brest est devenue métropole alors pourquoi pas Nancy. Et l’intercommunalité du Grand Nancy l’est devenue le 20 avril 20162 . Une candidature gagnante à base de quatre circonstances harmonieuses : l’élargissement du périmètre régional par la création de la grande région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne (Grand Est), l’entrée en vigueur de la loi Maptam (affirmation des métropoles), l’impulsion gouvernementale de renforcer la solidarité entre les territoires3 et surtout, ici, un territoire intercommunal propice à recevoir la « bénédiction » métropolitaine, mais par décret.

En effet, la campagne métropolitaine conduite par André Rossinot, président du Grand Nancy, Laurent Hénart, maire de Nancy, Mathieu Klein, président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle et Dominique Potier, député de Meurthe-et-Moselle ont ainsi évoqué la « longue tradition d’intercommunalité du Grand Nancy, qui remonte à 1959, et son rôle structurant auprès des 580 000 habitants du sud meurthe-et-mosellan, pour postuler au changement de statut » 4.

14 + 1 = 15. Le statut de métropole attire.

 

La confirmation de l’attractivité du statut de métropole

Dijon, Orléans, Saint-Etienne, Toulon. Les villes candidates au changement de statut juridique sont nombreuses. Et pour cause. Le projet de loi présenté en Conseil des ministres le 3 août 2016 vient assouplir les conditions d’accès au statut de métropole.

Pour prétendre au titre, voici les évolutions depuis la loi MAPTAM :

Conditions non cumulatives Loi MAPTAM du 27 janvier 2014 Projet de loi du 3 août 2016
Art. L. 5217-1, al. 4 :

Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui forment, à la date de la création de la métropole, un ensemble de plus de 400 000 habitants et dans le périmètre desquels se trouve le chef-lieu de région.

 

 

 

 

 

 

 

Art. L. 5217-1, al. 4, modifié :

Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui forment, à la date de la création de la métropole, un ensemble de plus de 400 000 habitants (supprimé : et dans le périmètre desquels se trouve le chef-lieu de région).

ou ou

Art. L. 5217-1, al. 5 :

Les établissements publics de coopération intercommunale, non mentionnés au deuxième alinéa et au 1° du présent article, centres d’une zone d’emplois de plus de 400 000 habitants, au sens de l’Institut national de la statistique et des études économiques, et qui exercent en lieu et place des communes, conformément au présent code, les compétences énumérées au I de l’article L. 5217-2 à la date de l’entrée en vigueur de la loi n° 2014-57 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

Art. L. 5217-1, al. 5, inchangé :

Les établissements publics de coopération intercommunale, non mentionnés au deuxième alinéa et au 1° du présent article, centres d’une zone d’emplois de plus de 400 000 habitants, au sens de l’Institut national de la statistique et des études économiques, et qui exercent en lieu et place des communes, conformément au présent code, les compétences énumérées au I de l’article L. 5217-2 à la date de l’entrée en vigueur de la loi n° 2014-57 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

ou  ou
  Art. L. 5217-1, al. 6, nouvel ajout:

Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre centres d’une zone d’emplois comptant plus de 400 000 habitants, telle que définie par l’Institut national de la statistique et des études économiques, et dans le périmètre desquels se trouve le chef-lieu de région.

Le projet de loi remplace le seuil de population requis pour l’EPCI (400.000 habitants) par celui de la zone d’emploi tout en conservant la notion de chef-lieu de région. Des conditions pleinement remplies pour Dijon et Orléans par opposition aux villes de Toulon et Saint-Etienne. Toutefois, ces dernières ont pu bénéficier des circonstances favorables de la recomposition de la carte intercommunale et franchir le seuil requis.

15 + 4 = 19. L’ « effet métropole » est confirmé.

Les métropoles ou des oasis au milieu de futurs déserts ?

La recherche du juste équilibre métropolitain repose sur des critères variables. Par exemple, Jean-Christophe Fromantin, député-maire des Hauts-de-Seine, conçoit une carte territoriale axée à travers huit pôles métropolitains forts et interconnectés à grande vitesse 5 . Un équilibre adapté à la vie de nos territoires à l’échelle mondialisée.

Cette course effrénée « à l’effet métropole » entre en contradiction avec l’objectif de la loi MAPTAM qui était celui de réserver ce statut à un nombre limité de villes. Le « Club » des 13 (métropoles initiales) a-t-il perdu de son intimité ? Les villes-candidates invoquant vouloir « jouer » à règles égales et bénéficier d’une attractivité supplémentaire orientée vers le développement économique et international.

Ainsi, l’engouement est certain car « le statut de métropole fait rêver… » précise André Rossinot. Mais ce projet de loi contribue-t-il encore au maintien du rêve ? Gael Perdriau, maire de Saint-Etienne, rappelle que « Ce club des métropoles est très fermé et doit le rester. Car s’il est largement ouvert comme l’on été les pôles de compétitivité, il perd de son intérêt » 6 .

La « boîte de pandore » vient-elle d’être ouverte ? Nul ne le sait mais d’ores et déjà, Clermont-Ferrand et Tours frappent à la porte des candidats potentiels au service de leur rayonnement et reconnaissance. Quel avenir pour les métropoles ? La « France d’oasis et les déserts périphériques » évoquée par Jean-Pierre Balligand trouve-t-elle ici une application renforcée ?

Autre évolution possible. Lyon fait figure d’exception dans le paysage des métropoles françaises et ne figurent pas dans le décompte ci-dessus puisqu’elle est une collectivité territoriale à part entière à l’inverse des autres métropoles (EPCI). Mais alors, par un mécanisme de différenciation, assisterons-nous à la création d’un nouveau Club des métropoles à statut particulier sur le modèle de Lyon ?

Alain-Joseph Poulet
Pôle Droit & Gouvernance IGTD
Doctorant Droit – Paris Dauphine
Mail : juris@gouvernancepublique.fr

[1] 12 métropoles de droit commun (Bordeaux, Brest, Grenoble, Lille, Montpellier, Nancy, Nantes, Nice, Rennes, Rouen, Strasbourg, Toulouse) et 2 métropoles à statut particulier (Grand Paris et d’Aix-Marseille Provence).

[2] Décret n° 2016-490 du 20 avril 2016 portant création de la métropole dénommée « Métropole du Grand Nancy »

[3] Comité interministériel des ruralités du 14 septembre 2015 http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/liseuse/5246/master/index.htm

[4] http://www.lagazettedescommunes.com/394948/le-grand-nancy-et-sa-campagne-font-route-vers-la-metropole/

[5] http://www.fromantin.com/2013/05/huit-poles-territoriaux-pour-faire-entrer-la-france-dans-la-mondialisation/

[6] http://www.lesechos.fr/politique-societe/regions/0211183593903-jean-michel-baylet-siffle-la-fin-de-la-course-aux-metropoles-2018786.php


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Depuis la loi NOTRe venant clore le « triptyque » territorial, les acteurs territoriaux font front commun dans leurs interrogations. Mettons-nous quelques instants à leur place. Quels sont les impacts de la réforme sur ma collectivité ? Quelles évolutions de mes compétences ? Et plus encore, quels moyens à disposition pour me transformer et me coordonner, au service de mes administrés ?

En conséquence, cette nébuleuse d’interrogations qui plane au dessus des collectivités inquiète, notamment dans un contexte dit de transitions (et de mutations) impulsées à l’échelle mondiale (en référence ici aux transitions énergétiques, numériques et sociales).

Et si ce questionnement ne concernait pas forcément le contenu des lois, mais davantage le fait que le « guide de l’utilisateur » reste imprécis et laisse les collectivités dans une sorte de déshérence.

Le Larousse définit la nébuleuse comme « un ensemble de choses dont les relations sont imprécises et confuses ». N’y-a-t-il pas, finalement, de meilleure définition pour apprécier la situation actuelle des collectivités territoriales ? Ce parallèle se mesure au gré des colloques organisés par les grandes associations dites catégorielles dont le dernier en date (27 avril 2016) organisé par l’Assemblée des Départements de France sur le thème « Les départements à l’heure de la réforme territoriale »

 

La consultation départementale, grande oubliée de la réforme territoriale

A l’image des vifs débats ayant animé les trois volets de la réforme territoriale, il subsiste comme un arrière goût d’inachevé du côté de l’échelon départemental, considéré comme ayant été insuffisamment consulté. C’est ce que rappelle Jean-René Lecerf, président du Conseil départemental du Nord, en soulignant que les lois modifiaient brusquement certaines politiques publiques départementales et que les difficultés de balisage des compétences ne permettaient guère de garantir une mise en œuvre efficiente. En d’autres termes, le temps de la loi ne suit pas le temps de l’action… dans le réel. Une situation également fustigée par Jacques Mézard, sénateur du Cantal et vice-président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, qui s’exprimait en ces termes « Aujourd’hui, le problème est que rien n’a été simplifié. Ce qui me choque, c’est qu’en aucun cas les collectivités territoriales n’ont été consultées (…) il faudra des années pour remettre les choses dans le bon ordre, celui de la simplification ».

 

Pour autant, l’heure n’était pas au désespoir. Et si de ce temps flou, les départements pouvaient sortir leur épingle du jeu ? Comme l’a souigné Damien Abad, président du Conseil départemental de l’Ain, « La loi NOTRe est volontairement vaporeuse et floue (…) elle nous laisse une marge de manœuvre » et à cela d’ajouter « On a un combat à mener : défendre le cœur de nos compétences et assurer la diversité des interventions ». Or, pour affronter ce « flou » législatif, les départements ont bien compris que le Droit pouvait être leur principal allié. Les juristes présents n’ont ainsi pas tardé à le démontrer.

Tout d’abord, l’environnement juridique de la loi NOTRe a conduit l’Assemblée des Départements de France et huit départements[1] à former, le 26 février 2016, deux référés suspension contre deux circulaires[2] d’application de la loi NOTRe du 22 décembre 2015 aux motifs que l’une porte sur les incidences de la suppression de la clause de compétence générale des départements et des régions, et que l’autre, en matière de développement économique, pose pour principe que les départements ne peuvent apporter une aide, même indirecte, aux entreprises, ce qui aurait dû être précisé par décret.

 

Le Conseil d’Etat a rejeté, par ordonnances du 14 avril 2016[3], les deux référés aux motifs que la condition d’urgence n’était pas satisfaite. Mais la procédure n’en est pas moins terminée, puisqu’il reste à la juridiction du Palais-Royal à se prononcer sur le fond de l’affaire. Affaire à suivre…

 

Outre ces deux référés, l’Assemblée des Départements de France et huit départements ont également déposé deux questions prioritaires de constitutionnalité qui reposent sur les moyens suivants :

●      le pouvoir d’approbation par le préfet du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation ne serait pas compatible avec la Constitution

●      la suppression totale de la clause de compétence générale ne serait pas non plus constitutionnelle.

 

Le département, cellule naturelle de l’équilibre territorial !

La nouvelle architecture territoriale relance le débat de la juste échelle d’administration, celle de la réunion des critères de proximité et de maîtrise des politiques publiques locales. Or, si l’idée d’une suppression de l’échelon départemental avait été un temps envisagée lors de la présentation des trois volets de la réforme territoriale, elle n’a, sans surprise, guère recueilli l’unanimité des principaux concernés.

 

Et pour cause, cela a été rappelé à de nombreuses reprises lors du colloque précité, le département se positionne naturellement comme un point d’équilibre territorial par sa faculté à être le trait d’union des acteurs territoriaux. Hervé Gaymard, président du Conseil départemental de Savoie est intervenu en ce sens : «  a fortiori avec les très grandes régions, le périmètre départemental est le bon échelon pour garder un pôle d’identité territorial en travaillant en bonne intelligence avec les autres collectivités ». Un discours également partagé par le président du Conseil départemental de la Dordogne, Germinal Peiro, pour qui le département est la « cellule de base territoriale » estimant que « les lacunes de la loi NOTRe, c’est avant tout l’absence de passerelles possibles et de complémentarités entre les collectivités locales, ce qui compromet la possibilité de stimuler l’intelligence territoriale ».

 

Au terme de ce colloque, l’impératif de gouvernance territoriale et la nécessité pour les acteurs territoriaux de se saisir des outils de dialogue ressortent comme les moyens indispensables pour dissiper les doutes produits par le triptyque législatif. Ainsi, les discours d’introduction et de conclusion rappellent cette impérieuse nécessité. Dominique Bussereau, président du Conseil départemental de la Charente-Maritime et président de l’ADF, précise qu’ « une région ne peut pas travailler sans s’appuyer sur les compétences des départements (…) ». Le « vivre-ensemble », comme l’évoquait en clôture Patrick Bernasconi, président du CESE, doit être la finalité poursuivie par toutes les parties prenantes des territoires ; il s’apprécie au regard d’une notion fondamentale : l’échange.

 

Dans ce prolongement, formulons l’espoir que l’outil CTAP (Conférence territoriale de l’action publique) soit pleinement mis en oeuvre au service de l’action publique.

Alain-Joseph Poulet

Pôle Droit & Gouvernance IGTD
Doctorant Droit – Paris Dauphine
Mail : juris@gouvernancepublique.fr

                                                                                                                                                                 

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[1] Ardennes, Charente-Maritime, Indre-et-Loire, Loir-et-Cher, Oise, Rhône, Seine-et-Marne, Cher
[2] http://circulaire.legifrance.gouv.fr/index.php?action=afficherCirculaire&hit=1&r=40360 et http://circulaire.legifrance.gouv.fr/index.php?action=afficherCirculaire&hit=1&r=40359
[3] Conseil d’État, Juge des référés, 14/04/2016, 397614, Inédit au recueil Lebon et Conseil d’État, Juge des référés, 14/04/2016, 397613, Inédit au recueil Lebon


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Entretien avec Philippe Laurent, maire de Sceaux, secrétaire général de l’Association des Maires de France (AMF), président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale

 

Pouvoirs Locaux : Quelle est votre analyse du phénomène des communes nouvelles ? Faut-il y voir à terme une recomposition du paysage communal ?

Philippe Laurent : En ce début 2016, 300 communes nouvelles ont été créées, issues du regroupement de 1013 communes et intercommunalités. Le mouvement est réel et les nombreux dossiers en cours d’examen notamment à l’AMF en attestent. Ce mouvement est encouragé par le phénomène d’agrandissement des intercommunalités. La raison en est simple. Il existe une taille optimum de l’intercommunalité de projet. Un EPCI à 100 communes est difficile à gérer. Tandis qu’à 10 ou 20 communes, l’intercommunalité fonctionne mieux. Chaque maire peut exister et avoir un rôle constructif. La pression des moyens encourage aussi les fusions, sans compter la lassitude de certains maires plus démunis que d’autres face au manque de moyens.

Il ne faut pas également sous-estimer le fait que même si le citoyen est attaché au niveau communal, il l’est davantage dans des communes moyennes et moins dans les toutes petites communes. Dans une commune de 20.000 habitants par exemple, on reste attaché au territoire communal, à ce que l’on partage en commun dans des associations, des clubs et des évènements organisés aux couleurs de la ville. Enfin, la fusion de communes apparaît aux yeux des citoyens comme un mouvement raisonnable et inéluctable en termes de réduction de la dépense publique. Toutes les communes de moins de 500 habitants pourraient à terme suivre ce mouvement — 10.000 communes environ seraient alors concernées —, ce qui n’empêche pas de conserver encore un très fort atavisme communal. C’est en tous les cas plausible.

Par le dispositif de la commune nouvelle, le fait communal est préservé au sens où à travers lui, la responsabilité du maire l’est aussi ainsi que l’efficacité d’une action publique de proximité à laquelle le citoyen reste attaché.

Pouvoirs Locaux : Que répondez-vous à ceux qui prônent à terme une élection au suffrage universel direct de l’exécutif intercommunal ?

 

Philippe Laurent : Que les intercommunalités fusionnent en communes nouvelles car l’élection au suffrage universel direct, c’est la commune. Si on procède différemment, on va créer trop de conflits de compétences et de légitimité qui seront difficiles à gérer. Si l’on veut élire les exécutifs des communautés de communes au suffrage universel direct, il faut en faire des communes. Il n’en demeure pas moins que l’intercommunalité reste pertinente pour faire en commun ce qu’une commune ne peut pas faire seule et aussi parce que le territoire vécu ne se résume bien souvent plus à celui de la commune.

 

Pouvoirs Locaux : Percevez-vous la fin du cumul des mandats en 2017 comme une opportunité ou un risque pour l’action publique ?

Philippe Laurent : Le cumul des mandats est malheureusement inhérent à notre système politique. En Allemagne par exemple, ce n’est pas le cas car la loi fédérale ne dit pas comment chaque école primaire doit être organisée. La France connaît trop souvent un manque de confiance général entre ses acteurs publics si bien qu’il revient toujours à l’Etat de définir les règles et les normes et aux collectivités territoriales de s’y tenir. Nous sommes comme « enrégimentés ». C’est plus culturel que politique. Avec la fin du cumul des mandats, on prend le risque de se retrouver dans un système où il y a des élus locaux qui vont continuer à gérer le quotidien et des parlementaires hors sol, désignés par les partis. Les textes risquent d’être inapplicables d’autant qu’ils vont souvent très loin dans le détail. On se dirige vers un affrontement permanent.

 

Pouvoirs Locaux : Vous avez été le premier candidat déclaré à la présidence de la métropole du Grand Paris. Quel est votre état d’esprit ?

Philippe Laurent : La métropole du Grand Paris est particulière car c’est une intercommunalité qui n’a pas de pouvoirs de gestion. Cependant, elle a le pouvoir de parler et de générer de la cohérence. Dans les 2 ou 3 ans à venir, elle sera en capacité de produire des schémas prescriptifs. Parallèlement, se mettent en place des territoires qui procèdent des communes. Ils prennent la forme d’intercommunalités de gestion qui reprennent en gros les compétences des agglomérations lorsqu’elles existaient, le PLU en plus. Financièrement, s’applique pour les 131 communes de la métropole, le principe de la neutralité budgétaire à l’instant T. Pour faire simple, une collectivité qui avait 100 au 31 décembre 2015, a toujours 100 au 1er janvier 2016. Ce qui change, c’est que ces 100 ne sont pas forcément de l’impôt mais peuvent être des dotations ou des compensations. Si la métropole du Grand Paris se trouve en difficulté financière, ce sera essentiellement lié à la non-progression de la CVAE ou des impôts, mais pas en raison de la métropole elle-même.

Le principal problème de la métropole, c’est que sur les 131 communes, 40 d’entre elles sont isolées et n’ont donc pas de culture de l’intercommunalité et du « faire-ensemble ». Elles vont être précipitées dans ce mouvement sans préparation. C’est le cas de Paris notamment. Les Parisiens, leurs élus, les fonctionnaires de Paris voient souvent la métropole de du Grand Paris comme Paris en plus grand. Cela ne doit pas se passer ainsi. Paris va devoir vivre à l’heure de l’intercommunalité. Je pense quant à moi que Paris et sa banlieue ont des atouts extraordinaires en termes de culture, d’innovation, de capacité d’accueil de créateurs. Cette image et cette réalité sont très fortes. Il faut les renforcer. Comme il faut renforcer l’université dans la ville car la ville, c’est aussi l’université. C’est là notre modèle européen. Je suis animé d’une volonté de rassemblement et d’unité, hors de toute démarche partisane. Un maire parmi les siens. C’est le fil conducteur de ma candidature.

 

Propos recueillis par Laurence Lemouzy

Extraits de la revue Pouvoirs Locaux n°107 disponible en eLibrairie

Photos : © laurent davaine – Fotolia.com


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Les prochaines élections régionales auxquelles nous sommes appelés dans moins de 5 semaines revêtiront une importance nouvelle et particulière au moins à trois égards.

D’abord, et parce que ce sont des élections territoriales, elles concerneront au plus près nos concitoyens à travers le développement économique et l’accompagnement des entreprises, l’emploi, l’apprentissage et la formation professionnelle, l’Université et la Recherche. De même elles toucheront nos déplacements quotidiens avec les TER, les transports routiers, comme certains équipements à vocation touristique et culturelle…

C’est d’abord sur ces sujets que les prochains élus régionaux devront se pencher, choisir et arbitrer entre les attentes des métropoles, des villes moyennes, des communautés et communes rurales, car on l’ignore trop souvent : entre l’Etat impécunieux et les départements de plus en plus chargés par les dépenses sociales, les Régions sont désormais en première ligne pour ne pas laisser à l’abandon les territoires les plus fragiles.

En second lieu, les élections régionales auront fatalement une dimension politique nationale, d’autant plus forte qu’elles se dérouleront sur les 2/3 du territoire dans un cadre géographique élargi et quelque peu bouleversé.

Si, en effet, nous avons pu sauver et maintenir les Pays de Loire (qui étaient menacés de démembrement), hormis la Bretagne, le Centre, PACA, la Corse et, curieusement,  l’Ile de France, les autres régions ont vu leur périmètre considérablement agrandi, à l’image de l’Aquitaine-Poitou-Charente-Limousin, Rhône-Alpes-Auvergne ou Alsace-Lorraine-Champagne-Ardennes…

Cela aura au moins deux conséquences : l’éloignement des élus risque fort d’accroitre le poids des « étiquettes » politiques au détriment de l’ancrage territorial des candidats ; la gestion des Régions et leur relation aux départements sera certainement plus lourde et plus compliquée.

Troisième aspect au moins aussi important : les Régions ont hérité de la gestion des fonds territoriaux européens. Ce ne sera pas leur moindre responsabilité que d’entretenir avec les services de Bruxelles des relations étroites et  confiantes qui conditionneront le bon usage de ces fonds.

C’est l’occasion, là aussi, de le rappeler : l’avenir de notre pays et de nos territoires est également européen. Ne craignons pas de le réaffirmer.

 

                                                                                                                              Michel Piron

Député du Maine-et-Loire

co-président de l’Institut

site de Michel Piron


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Les deux faces d’une même exigence

 

Nancy – 18 Novembre 2015. Le temps est doux. Rendez-vous est donné au Lycée Henri Poincaré qui organise un forum d’orientation Métiers et Grandes Ecoles. Une intervention est programmée devant des élèves de classes préparatoires sur les métiers de l’Engagement. Côté rue, sur le muret qui borde le lycée, plusieurs tags qui scandent le même message : « Génération Bataclan » !

Dans la préparation de cette conférence, j’ai choisi délibérément de sensibiliser ce panel de jeunes au fait que leur futur parcours professionnel sera d’autant plus réussi qu’ils auront été capables de concilier leurs « envies » (leurs like au sens Facebook), à une activité à laquelle ils donneront du sens.

Comment conduire des jeunes gens de 18 ans à découvrir qu’un métier ne se limite pas seulement à un « job » ? qu’une orientation n’est pas par défaut ou par mimétisme social ? qu’un emploi ne se réduit pas à une fonction alimentaire ? Que l’on peut s’y épanouir et y développer du sens autant que dans sa vie privée, celle des loisirs et/ou familiale ?

Défi 1 : décloisonner les blocages public/privé. Lorsque sont évoqués les métiers de la sphère publique, mon auditoire — comme les générations précédentes — pense « fonction publique », « administration », « concours ». Il faut alors les conduire à changer de perspective. Qui participe à la décision publique ? Comment fonctionne notre société ? Le vivre-ensemble est-il seulement l’affaire des agents publics ? Le service public a t-il pour seul opérateur les fonctionnaires ? En quoi une entreprise participe t-elle à la société ? Comment le secteur associatif devient–il un des opérateurs engagés dans le vivre-ensemble ?

Alors que nos mœurs n’ont jamais été aussi pluriels, nos mobilités aussi ouvertes, le monde si présent à portée d’objets connectés, l’organisation sociale continue d’être perçue de façon très binaire entre institutions publiques et secteur privé. D’un côté les fonctionnaires, de l’autre le monde économique. Deux mondes étanches. Le premier qui instruit des procédures. Le second qui fait du business.

Défi 2 : participer à reconstruire de nouveaux marqueurs. Souvent, dans le cadre de mes activités d’enseignement, je constate que bien que l’instruction civique soit inscrite aux programmes, la jeunesse patine « à faire société » car elle ne sait pas comment « faire société ». Ce sentiment est d’autant plus dérangeant que dans l’espace de la vie des loisirs (au demeurant souvent dénommée la « vraie vie » !), les jeunes fonctionnent souvent en communautés d’affinités pour les plaisirs, les lieux de vie). L’arsenal virtuel les y aide. En revanche, ils ne savent pas comment faire pour « vivre ensemble » au-delà du périmètre de la famille et des amis.

Manifestement, il ne suffit pas d’évoquer de manière permanente au collège ou au lycée la laïcité ou les principes républicains pour considérer qu’ainsi la mécanique complexe qui conduit à une vie en société harmonieuse, suffirait.

Suggestion et proposition

Comment fonctionnent les services publics ? En quoi une entreprise a t-elle une responsabilité sociale ? Comment le secteur non marchand remplit-il des missions de service public ? Qu’est-ce qu’une politique publique ? Comment s’élabore la loi ? Qui intervient dans le processus décisionnel ?

Autant de questions dont les réponses devraient être enseignées dans le parcours de tout jeune ?

A titre d’exemple, alors que l’on est capable en 48 heures de diffuser à des enseignants des supports pédagogiques pour échanger avec les élèves sur les tragiques évènements récents, pourquoi ne pas avoir le même réflexe pédagogique dans le cadre de sujets citoyens comme la modification de la carte régionale. Dommage ! Une occasion manquée de les aider à « faire société ».

Toute génération a besoin de sens. Ceci nécessite sans doute de prendre de la hauteur (et non du recul !). Les adultes et particulièrement les responsables aux commandes doivent donner à comprendre les interdépendances qui lient les acteurs de la société. C’est aussi donner aux futurs décideurs — dont certains de mon public — la possibilité de s’engager dans un voie professionnelle en comprenant le sens de leur investissement personnel et de mesurer ce qu’il apporteront demain à la société.

Au final, ils veulent être utiles. Montrons comment ils peuvent l’être, quelle que soit l’orientation qui sera la leur. Redonnons de « l’épaisseur » à l’engagement professionnel. Aidons-les à se lancer en société ! C’est aussi une question de bonne gouvernance nationale.

 

Laurence Lemouzy

 


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Conformément à sa double vocation de laboratoire d’idées et de bureau d’expertise, l’Institut a profité de la 6ème édition des Entretiens de la Gouvernance Publique (EGP), pour présenter les résultats du sondage commandé à TNS SOFRES, en partenariat avec L’EXPRESS.

A la veille des élections régionales et peu de temps après la promulgation du dernier volet de la réforme territoriale le 7 août 2015, le thème de ce sondage était :

« Les Français et le nouveau paysage territorial »

Le temps était venu d’interroger les citoyens et de recueillir leurs avis et ressentis en cette période de changements.

De manière générale, les résultats permettent de décrypter les attentes des Français, d’orienter les prochains axes des travaux de l’Institut et par voie de conséquence d’éclairer les prochains débats publics, le principal d’entre eux étant la Présidentielle 2017.

 ♦   VOIR LE DECRYPTAGE IGTD  

 Voir le sondage intégral 


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La « fabrique » de la loi serait-elle en panne ? Voilà que l’actualité n’hésite plus à faire état des lenteurs, parfois lourdeurs, du temps législatif[1]. L’esprit des temps impose à l’appareil législatif de garantir le maintien simultané de deux critères :

  • la célérité, c’est-à-dire l’élaboration, la discussion, le vote sans oublier la promulgation de la loi dans un délai raisonnable,
  • l’effectivité, c’est-à dire l’assurance de la mise en application.

Or, notre organisation parlementaire repose sur un bicamérisme « inégalitaire »[2], (l’Assemblée nationale disposant de pouvoirs plus étendus que ceux du Sénat). Bien qu’elles disposent d’une représentation et de missions différentes, elles concourent conjointement à l’élaboration et au vote de la loi. En effet, l’élaboration de la loi est de la compétence conjointe et simultanée de chaque assemblée. Dans ce contexte, et sans prise en considération de l’objet de la loi, la « navette » parlementaire emprunte des routes à vitesse limitée.

Les tentatives d’accélération du temps législatif
La prise de conscience de cette réalité n’est pas récente. En 2008, François Fillon, Premier ministre, avait informé, dans la circulaire du 29 février 2008 relative à l’application des lois, que « chaque disposition législative qui demeure inappliquée est une marque d’irrespect envers la représentation nationale et de négligence vis-à-vis de nos concitoyens ». De cet acte, une forme d’obligation de résultats engageait ses ministres. En effet, la circulaire prévoyait, et le prévoit toujours, la publication tous les 6 mois sur le site www.legifrance.gouv.fr des bilans de l’application des lois. Le dernier bilan en ligne (au 30 juin 2015) fait état que seul 70% des décrets d’application ont été effectifs et publiés par le gouvernement. Le calcul est rapide, 30% des textes de lois sont encore dans l’attente de publication, et restent donc inapplicables. Les raisons de cette attente sont diverses, comme l’explique Philippe Bas, président de la Commission des lois du Sénat, « lorsque la publication des décrets se fait attendre, c’est en général que le compromis politique qui a été trouvé n’est pas applicables dans les faits. […]. Il arrive aussi que des décrets ne soient pas pris pour des questions de budget ».[3]

Depuis cette circulaire, la problématique reste inchangée et le temps législatif et son application demeurent longs. Sans doute, contrebalancer cette tendance est devenu un enjeu majeur. Le Président de la République François Hollande a, quant à lui, fait le choix d’un classement officieux de ses ministres.[4] Tous les moyens semblent permis mais lesquels fonctionnent ?

Comment passer d’un bicamérisme inégalitaire à un parlementarisme différencié ?
Les exigences du temps démocratique doivent inciter le législateur à la nécessité de réduire le temps de travail législatif. Une des réponses possibles pourrait se trouver dans la révision de la procédure législative et surtout dans les rôles respectifs des deux chambres. Comme il a été rappelé ci-dessus, le bicamérisme français est inégalitaire du fait de la prédominance d’une chambre sur l’autre. Dès lors, les chambres ne pourraient-elles pas disposer de compétences spécialisées en fonction de l’objet du texte de loi ? La « navette » parlementaire se verrait allégée de contraintes procédurales et libérée en vue de renforcer l’étape de mise en application de la loi.

Cette question de la différenciation parlementaire n’est pas spécifique à la France. En juillet 2014, le Président du Conseil des ministres italien a engagé une réforme constitutionnelle prévoyant, notamment, une refonte du Sénat. Cette réforme vise à répartir les rôles entre les deux chambres (Chambres de députés et Sénat). Plus précisément, le Sénat disposera d’une mission consultative en lieu et place de son rôle exécutif. Le bicamérisme « parfait » était, selon les auteurs de la réforme, source de pesanteurs politiques et d’une profonde inertie. Par ailleurs, dans sa nouvelle version, le Sénat recompose ses rangs limités à 100 membres (conseillers régionaux, maires et personnalités désignées par le Président de la République) contre 321 précédemment. Cette réforme s’inscrit aussi dans une recherche de réduction des dépenses puisqu’elle prévoit l’absence de rémunération des sénateurs. En l’état, en lecture devant le Parlement depuis 2014, le texte de loi est revenu en lecture au Palazzo Madama (siège du Sénat) en septembre 2015 [5] et a été adopté par le Sénat mardi 13 octobre 2015.

Dans cet élan, doucement mais surement, l’idée d’une réforme émerge en France. L’inconnu réside quant à son intitulé : constitutionnelle, institutionnelle… et les ambitions des deux chambres semblent déjà diverger. Comme en témoigne le récent témoignage de Gérard Larcher, président du Sénat, pour qui les objectifs d’une réforme seraient de « renforcer la participation aux travaux sénatoriaux, légiférer et contrôler plus efficacement, garantir la transparence financière et une gestion exigeante ».[6] A l’inverse, Claude Bartolone admet la lenteur de l’appareil législatif et va jusqu’à proposer « une révision constitutionnelle […] parallèlement je souhaite que nous ayons une réflexion sur nos institutions.»[7]

Le sujet de la différenciation parlementaire comme outil de fluidification du processus législatif est à présent ouvert. Les indicateurs nationaux et européens témoignent que le temps de la décision prévaut sur le maintien de configurations ayant vécu.

Alain-Joseph Poulet

Pôle Droit & Gouvernance IGTD
Doctorant Droit – Paris Dauphine
Mail : juris@gouvernancepublique.fr

                                                                                                                                                                 

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[1] Hélène Bekmezian, « Ces lois qui restent encalminées », Le Monde, 5 août 2015.
[2] Assemblée nationale, « Fiche de synthèse n°4 : L’Assemblée nationale et le Sénat – Caractères généraux du Parlement », consultée le 24 août 2015, disponible sur http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/role-et-pouvoirs-de-l-assemblee-nationale/les-institutions-francaises-generalites/l-assemblee-nationale-et-le-senat-caracteres-generaux-du-parlement
[3] Hélène Bekmezian interview de Philippe Basfustige « l’incroyable obésité » des textes, Le Monde, 5 août 2015
[4] Marc de Boni, « François Hollande fait classer les performances de ses ministres », Le Figaro, 26 juin 2015
[5] Reuters Italia, « Riforma Costituzione, emendamenti minoranza Pd su nuovo Senato », consultée le 24 août 2015, disponible sur http://it.reuters.com/article/topNews/idITKCN0QC1HU20150807?pageNumber=1&virtualBrandChannel=0
[6] Sophie Huet, « Larcher propose une réforme du Sénat », Le Figaro, 12 mars 2015
[7] Hélène Bekmezian, interview avec Claude Bartolone, « Le président doit pouvoir débattre avec les parlementaires », Le Monde, 5 août 2015.

 


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