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Cette interrogation fut le fil conducteur de la 15ème Universités d’été de l’Association des directeurs généraux des communautés de France (ADGCF) en juillet 2023. Les débats étaient conduits pour la 3ème édition consécutive par Laurence Lemouzy, directrice scientifique de l’Institut de la Gouvernance Territoriale.

Ce thème est directement relié au lancement fin 2022 d’une démarche à la fois prospective et pragmatique accompagnée par un collectif de chercheurs[1] qui l’a « testé » sur trois territoires très différents : la communauté de communes du Bugey Sud (Ain), la communauté d’agglomération Seine Eure (Normandie) et la métropole d’Orléans (Loiret).

Dans une vidéo de présentation, L’ADGCF met en lumière l’importance de l’écologie dans la matrice des politiques intercommunales. Un collectif de chercheurs, tente de mettre en avant les impacts de cette démarche en termes de gouvernance, d’organisation et de politiques publiques sur trois territoires : l’Ain, la Normandie et le Loiret.

Les politiques intercommunales, regroupent un ensemble de décisions, de ressources et d’actions entreprise par plusieurs municipalités ou collectivités locales travaillant en collaboration. Elles permettent de répondre de manière plus efficace aux besoins et aux enjeux communs, tels que les infrastructures, le logement, l’éducation, les transports, ou l’environnement. Dans ce cadre, l’écologie devient le fil conducteur des actions opérées par ces collectivités.

Une prise de conscience environnementale

La montée en puissance de l’écologie dans les politiques intercommunales s’explique en grande partie par la prise de conscience croissante des enjeux environnementaux. Les preuves scientifiques montrent les effets dévastateurs du changement climatique, la perte de biodiversité, la pollution de l’air et de l’eau, ont poussé les citoyens, les élus locaux et les entreprises à agir.

La prise de conscience écologique s’accélère, mais elle s’accompagne paradoxalement d’un élargissement des préoccupations environnementales. Les engagements pris en matière d’économie verte semblent insuffisants pour enrayer le déclin de la biodiversité. Les municipalités sont au cœur de cette transformation qui reste pour le moment insuffisante. « Il doit y avoir un changement radical de l’ancienne politique publique sur l’environnement. Ces politiques publiques englobent les problèmes écologiques au sens large et doivent se concevoir en étant partie prenante d’un ensemble comme l’air, l’eau et les êtres vivants » souligne le géographe Philippe Estèbe.

Des territoires différents, des enjeux communs

Pour mettre en œuvre des politiques environnementales à l’échelle intercommunale, il est essentiel de prendre en compte les spécificités de différents territoires. Trois cas distincts sont mis en avant dans cette étude. Un territoire rural au sein de la communauté de communes du Bugey Sud (Ain), un territoire périurbain avec la communauté d’agglomération Seine Eure (Normandie) et la métropole d’Orléans (Loiret). Ces territoires présentent des défis et des opportunités variés en matière d’écologie, de mobilité, et de logement. La transition écologique doit être adaptée à chaque contexte tout en répondant aux objectifs nationaux malgré une intercommunalité mal à l’aise avec la question environnementale.

L’écologie peut devenir le moteur de la création d’emplois durables. Toutefois, il est essentiel de réfléchir aux emplois qui continueront de croître malgré l’automatisation. Ce changement requiert une transformation du modèle de production et de consommation, passant de la surproduction à la sobriété.

Le rôle de l’intercommunalité…

L’intercommunalité peut devenir l’instrument du changement en matière d’écologie. La France, caractérisée par une faible densité de population répartie sur tout son territoire, a connu une décentralisation visant à assurer l’égalité territoriale. Cependant, cette approche ne semble plus viable.

Les intercommunalités, à l’origine orientées vers la transition écologique, doivent désormais concilier développent et préservation de l’environnement. Cela peut impliquer des mécanismes de taxation des zones hyper-densifiées qui ont un impact environnemental plus fort comme le propose un intervenant.

Néanmoins, l’État joue un rôle crucial en fournissant des mécanismes de financement de la transition écologique, mais leur pérennité est souvent remise en question. Il est nécessaire de repenser le modèle fiscal pour ne plus dépendre de systèmes extensifs et prédateurs qui nuisent à l’environnement.

Initiateur de transformation

Enfin, l’intercommunalité doit évoluer, en passant d’une culture de coopération à une coopérative englobant l’ensemble des communes, et non seulement les marges. Des choix stratégiques doivent être faits pour repenser l’organisation territoriale en faveur de la révolution écologique. Cela peut impliquer la création de nouvelles fonctions politiques spécifiquement dédiées à l’écologie.

Si l’écologie devient la matrice des politiques intercommunales, cela signifie que les intercommunalités ont réussi à changer leurs organisations techniques et politiques, à repenser leurs organigrammes, et à répartir les fonctions politiques en accord avec les impératifs environnementaux.

L’écologie en tant que matrice des politiques intercommunales représente une vision ambitieuse pour l’avenir de nos collectivités locales. Cela nécessite un changement profond dans la façon dont nous pensons, planifions et mettons en œuvre nos politiques. Les défis sont nombreux, des résistances au changement aux questions de financement, en passant par la nécessité de former les acteurs locaux.

[1] Clément CARBONNIER, économiste, Philippe ESTÈBE, géographe, Didier LOCATELLI, sociologue et Martin VANIER, géographe.

 

Pierre-Nicolas Krimianis

 


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Nos collectivités territoriales sont reconnues parmi les plus actives à l’international. En 2019, elles ont déclaré 121,9 millions d’euros au titre de l’Aide publique au développement (APD), 51,4 millions d’euros si on soustrait l’aide aux réfugiés. Le secteur « n°1 » de ces aides concerne l’eau et l’assainissement (25% de l’APD en montant des aides octroyées). Sur d’autres sujets tels que la santé publique, la coopération décentralisée dépend encore largement du bon vouloir de l’État mais l’avenir pourrait s’annoncer plus décentralisée. Née de jumelages, la coopération décentralisée s’est développée et diversifiée. Les nombreux outils juridiques confèrent une sécurité aux échanges entre les collectivités territoriales de pays différents, sans compter l’Union européenne qui offre aux pouvoirs locaux des États membres un cadre et des moyens pour structurer leurs relations. Même les intercommunalités y prennent leur part. Leurs projets d’action extérieure représentent plus de 15% des projets de partenariat « des collectivités » dans leur ensemble.


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La commune, un “pouvoir avec” et un lieu d’émotion

Le pouvoir d’une commune — comme de toute institution publique — est un « pouvoir avec » car la capacité à gouverner dépend de la capacité à se coordonner à d’autres qu’ils soient acteurs publics, économiques ou citoyens. Des liens plus que des lieux.

Parce qu’elle est le lieu de l’émotion (celle de la vie quotidienne avec ses bonheurs et ses déceptions), la commune sans doute l’espace le plus résistant au discrédit de la chose publique et celui où la transaction démocratique reste la plus vivante. 

Le maire sait que le quotidien est stratégique (le logement, les transports, la santé, l’éducation en particulier) et qu’en dépit des périmètres qui s’élargissent (ceux des intercommunalités et des régions), quelque chose résiste dans le « local ». Ce « quelque chose » est à relier au fait que la proximité (au sens de voisinage) est devenue une valeur en soi. 

Pierre Veltz parle d’un « virage actuel de nature principalement culturel »2 à travers un foisonnement de projets de toutes tailles dans le « local » sur fond de méfiance généralisée vis-à-vis du grand et du technocratique. 

2010-2019 : des changements administratifs, des mutations politiques et des turbulences sociales et démocratiques

Rien de nouveau, pourrait-on objecter ! Pas tout à fait car depuis ces derniers mois, le débat politique national est particulièrement, « liquide » donnant l’impression que nous ne sommes plus maîtres de nos destins. A contrario, une partie de la société française s’est agrippée aux ronds-points, estrades circulaires et solides, pour clamer ses émotions individuelles et collectives. 

Il est vrai que les codes ont changé lentement mais sûrement. 2010 – 2019 : presque une décennie qui nous a entraînés vers un changement plus profond que des ajustements. 

La séquence qui constitue la toile de fond de l’action publique aujourd’hui a débuté en 2010 avec l’adoption de la loi de réforme des collectivités territoriales, suivi de la réforme de la taxe professionnelle, puis en 2014 de la loi de Modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles, de la loi portant Nouvelle organisation territoriale et de la République en 2015 : une séquence ponctuée par le changement de la carte régionale, l’élargissement des périmètres intercommunaux, la mise en œuvre des métropoles et celle des communes nouvelles. 

On a fait comme si ces réformes n’allaient pas impacter la « vraie vie » ; comme si ces lois étaient avant tout une affaire de spécialistes qui trituraient les catégories juridiques et les périmètres cartographiques sans incidence sur le quotidien des Français. 

Il est évident que ces réformes ont eu des effets à la fois géographiques, institutionnels et économiques. Mais pas seulement. Les Français ont vu d’autres effets se déployer sous leurs yeux : accroissement des déserts médicaux, effacement des services de l’État dans les zones rurales, baisse de l’investissement public, extension des temps de transport centre-périphérie, repli communautaire, etc… Le quotidien a été touché. Or le quotidien est stratégique. Il est même politique. 

Voir autrement l’action publique

Et si une des réponses s’appelait décentralisation politique ou fédéralisme assumé.

Car si la novlangue parle de « 3D », les provinces, les terroirs et les territoires se porteront mieux lorsque la sphère publique aura accompli sa propre réforme, lorsque les collectivités territoriales ne s’apparenteront plus à des sous-traitants du pouvoir dit “central”, lorsque la société française sera entrée mentalement dans une culture de la subsidiarité3

C’est bien parce que les pouvoirs locaux n’ont pas écrit leur propre récit4 que la décentralisation est restée au milieu du gué et qu’elle est dans une impasse.

L’imaginaire des territoires fait France. Il ne reste plus qu’à l’activer. Les citoyens l’ont déjà compris, les acteurs locaux le pressentent. Allons-y tous !

Laurence Lemouzy

La rubrique Compte de faits, contes de fées : sous ce titre, l’Institut porte son regard sur…l’esprit des temps et des provinces

Notes
1. Lundi 2 mars 2020 au Sénat, conférence, placée sous l’égide de l’Association des professionnels des affaires publiques (APAP), présidée par Laurent Mazille, autour d’Arnaud Bazin, sénateur du Val-d’Oise et Président du comité de déontologie parlementaire du Sénat ; Karine Goulet, Régions de France ; Laurence Lemouzy, IGTD et revue Pouvoirs Locaux ; Pascal Perrineau, (Sciences Po Paris) ; Nicolas Portier, ADCF et Bernard Sabanes, président d’Elabe. Débats animés par Vanessa Williot-Bertrand.

2. Pierre Veltz, « La France des territoires, défis et promesses », Editions de l’Aube, 2019

3. V. notamment « Les mots qui font société : Libertés locales, Subsidiarité, Réciprocité », 10è Edition des Entretiens de la Gouvernance Publique, le 28 octobre 2019, à l’Académie des sciences morales et politiques

4. V notamment Caillosse J., Les « mises en scène » juridiques de la décentralisation: sur la question du territoire français, Paris, France, LGDJ-Lextenso éd., 2009, vol. 1/. et La constitution imaginaire de l’administration: recherches sur la politique du droit administratif, Paris, France, Presses universitaires de France, coll.« Les Voies du droit, ISSN 0766-6764 », 2008, vol. 1/.


 


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