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3 août 2016, Jean-Michel Baylet présente en Conseil des ministres le projet de loi relatif au « Statut de Paris et à l’aménagement métropolitain ». Double objectif :
– Harmoniser le statut particulier de la « Ville de Paris » (fusion de la commune et du département),
– Modifier les critères d’accès au statut de métropole.

C’est tout particulièrement ce deuxième point qui attire notre attention.

En effet, moins de trois ans après l’entrée en vigueur de la loi de Modernisation de l’action publique et d’affirmation des Métropoles (MAPTAM) du 27 janvier 2014, le cadre métropolitain évolue. Mais pourquoi ? Dans quelles conditions ? Quelles conséquences ? Et quelles sont ces nouvelles villes candidates ?

 

Statut de Métropole : l’imprévisible ouverture

Le cadre de la loi MAPTAM du 27 janvier 2014 semblait fixé : 14 métropoles1 et pas une de plus. En notant que le cas de Brest présente une première particularité et ce changement de statut obéit à une disposition un peu différente de la loi (il s’agit du cas où l’EPCI est au centre d’une zone d’emploi de plus de 400.000 habitants, où un certain nombre de compétences sont exercées par la communauté en lieu et place des communes et où au moins les deux tiers des conseils municipaux se sont exprimés en faveur du projet de métropole). Bref, une sélection stricte élaborée à partir de critères d’attribution encadrés et fondés essentiellement à l’appui de données démographiques et fonctionnelles. A titre d’exemple, la loi crée le passage au statut de métropole de « plein droit » pour les EPCI à fiscalité propre existants, de plus de 400 000 habitants, situés dans une aire urbaine de plus de 650.000 habitants. L’INSEE complète cette base légale en définissant la notion d’ « aire urbaine ».

Or, l’ouverture de la récente réforme territoriale par un texte consacré aux métropoles n’apparaît plus comme un hasard. Cette transformation de catégorie ouverte aux EPCI se positionne comme une innovation en réponse aux enjeux économiques et internationaux. D’ailleurs, la loi Notre du 7 août 2015 y apportera de légers ajouts notamment sur les statuts particuliers du Grand-Paris et d’Aix-Marseille-Provence.

La nouvelle carte territoriale dessinée par la récente réforme crée des opportunités pour certaines aires urbaines jusqu’alors éloignées de l’objectif « métropole » au regard des conditions fixées par la loi MAPTAM. Parmi elles : l’agglomération nancéienne. En effet, avec 266 000 habitants, le Grand Nancy était loin des 400 000 habitants prévus par la loi. Les frontières entre « théorie et pratique » ont été, en l’espèce, repoussées.

Mais si Brest est devenue métropole alors pourquoi pas Nancy. Et l’intercommunalité du Grand Nancy l’est devenue le 20 avril 20162 . Une candidature gagnante à base de quatre circonstances harmonieuses : l’élargissement du périmètre régional par la création de la grande région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne (Grand Est), l’entrée en vigueur de la loi Maptam (affirmation des métropoles), l’impulsion gouvernementale de renforcer la solidarité entre les territoires3 et surtout, ici, un territoire intercommunal propice à recevoir la « bénédiction » métropolitaine, mais par décret.

En effet, la campagne métropolitaine conduite par André Rossinot, président du Grand Nancy, Laurent Hénart, maire de Nancy, Mathieu Klein, président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle et Dominique Potier, député de Meurthe-et-Moselle ont ainsi évoqué la « longue tradition d’intercommunalité du Grand Nancy, qui remonte à 1959, et son rôle structurant auprès des 580 000 habitants du sud meurthe-et-mosellan, pour postuler au changement de statut » 4.

14 + 1 = 15. Le statut de métropole attire.

 

La confirmation de l’attractivité du statut de métropole

Dijon, Orléans, Saint-Etienne, Toulon. Les villes candidates au changement de statut juridique sont nombreuses. Et pour cause. Le projet de loi présenté en Conseil des ministres le 3 août 2016 vient assouplir les conditions d’accès au statut de métropole.

Pour prétendre au titre, voici les évolutions depuis la loi MAPTAM :

Conditions non cumulatives Loi MAPTAM du 27 janvier 2014 Projet de loi du 3 août 2016
Art. L. 5217-1, al. 4 :

Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui forment, à la date de la création de la métropole, un ensemble de plus de 400 000 habitants et dans le périmètre desquels se trouve le chef-lieu de région.

 

 

 

 

 

 

 

Art. L. 5217-1, al. 4, modifié :

Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui forment, à la date de la création de la métropole, un ensemble de plus de 400 000 habitants (supprimé : et dans le périmètre desquels se trouve le chef-lieu de région).

ou ou

Art. L. 5217-1, al. 5 :

Les établissements publics de coopération intercommunale, non mentionnés au deuxième alinéa et au 1° du présent article, centres d’une zone d’emplois de plus de 400 000 habitants, au sens de l’Institut national de la statistique et des études économiques, et qui exercent en lieu et place des communes, conformément au présent code, les compétences énumérées au I de l’article L. 5217-2 à la date de l’entrée en vigueur de la loi n° 2014-57 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

Art. L. 5217-1, al. 5, inchangé :

Les établissements publics de coopération intercommunale, non mentionnés au deuxième alinéa et au 1° du présent article, centres d’une zone d’emplois de plus de 400 000 habitants, au sens de l’Institut national de la statistique et des études économiques, et qui exercent en lieu et place des communes, conformément au présent code, les compétences énumérées au I de l’article L. 5217-2 à la date de l’entrée en vigueur de la loi n° 2014-57 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

ou  ou
  Art. L. 5217-1, al. 6, nouvel ajout:

Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre centres d’une zone d’emplois comptant plus de 400 000 habitants, telle que définie par l’Institut national de la statistique et des études économiques, et dans le périmètre desquels se trouve le chef-lieu de région.

Le projet de loi remplace le seuil de population requis pour l’EPCI (400.000 habitants) par celui de la zone d’emploi tout en conservant la notion de chef-lieu de région. Des conditions pleinement remplies pour Dijon et Orléans par opposition aux villes de Toulon et Saint-Etienne. Toutefois, ces dernières ont pu bénéficier des circonstances favorables de la recomposition de la carte intercommunale et franchir le seuil requis.

15 + 4 = 19. L’ « effet métropole » est confirmé.

Les métropoles ou des oasis au milieu de futurs déserts ?

La recherche du juste équilibre métropolitain repose sur des critères variables. Par exemple, Jean-Christophe Fromantin, député-maire des Hauts-de-Seine, conçoit une carte territoriale axée à travers huit pôles métropolitains forts et interconnectés à grande vitesse 5 . Un équilibre adapté à la vie de nos territoires à l’échelle mondialisée.

Cette course effrénée « à l’effet métropole » entre en contradiction avec l’objectif de la loi MAPTAM qui était celui de réserver ce statut à un nombre limité de villes. Le « Club » des 13 (métropoles initiales) a-t-il perdu de son intimité ? Les villes-candidates invoquant vouloir « jouer » à règles égales et bénéficier d’une attractivité supplémentaire orientée vers le développement économique et international.

Ainsi, l’engouement est certain car « le statut de métropole fait rêver… » précise André Rossinot. Mais ce projet de loi contribue-t-il encore au maintien du rêve ? Gael Perdriau, maire de Saint-Etienne, rappelle que « Ce club des métropoles est très fermé et doit le rester. Car s’il est largement ouvert comme l’on été les pôles de compétitivité, il perd de son intérêt » 6 .

La « boîte de pandore » vient-elle d’être ouverte ? Nul ne le sait mais d’ores et déjà, Clermont-Ferrand et Tours frappent à la porte des candidats potentiels au service de leur rayonnement et reconnaissance. Quel avenir pour les métropoles ? La « France d’oasis et les déserts périphériques » évoquée par Jean-Pierre Balligand trouve-t-elle ici une application renforcée ?

Autre évolution possible. Lyon fait figure d’exception dans le paysage des métropoles françaises et ne figurent pas dans le décompte ci-dessus puisqu’elle est une collectivité territoriale à part entière à l’inverse des autres métropoles (EPCI). Mais alors, par un mécanisme de différenciation, assisterons-nous à la création d’un nouveau Club des métropoles à statut particulier sur le modèle de Lyon ?

Alain-Joseph Poulet
Pôle Droit & Gouvernance IGTD
Doctorant Droit – Paris Dauphine
Mail : juris@gouvernancepublique.fr

[1] 12 métropoles de droit commun (Bordeaux, Brest, Grenoble, Lille, Montpellier, Nancy, Nantes, Nice, Rennes, Rouen, Strasbourg, Toulouse) et 2 métropoles à statut particulier (Grand Paris et d’Aix-Marseille Provence).

[2] Décret n° 2016-490 du 20 avril 2016 portant création de la métropole dénommée « Métropole du Grand Nancy »

[3] Comité interministériel des ruralités du 14 septembre 2015 http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/liseuse/5246/master/index.htm

[4] http://www.lagazettedescommunes.com/394948/le-grand-nancy-et-sa-campagne-font-route-vers-la-metropole/

[5] http://www.fromantin.com/2013/05/huit-poles-territoriaux-pour-faire-entrer-la-france-dans-la-mondialisation/

[6] http://www.lesechos.fr/politique-societe/regions/0211183593903-jean-michel-baylet-siffle-la-fin-de-la-course-aux-metropoles-2018786.php


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